L'étonnement est une des formes les plus délicates du plaisir et la damnation la quête la plus raffinée du malheur.
Quelques semaines avant de rencontrer Raph Greeson, Marilyn disait W.J. Weatherby : « Souvent je me dis que ce serait mieux de n'être pas célèbre. Mais nous, les acteurs, nous nous torturons avec notre image, nous sommes – quel est le mot ? – narcissiques. Je reste des heures assise devant mon miroir à guetter les signes de l'âge. Je veux vieillir sans lifting facial. Relever un visage qui tombe, c'est la facilité. Ca retire la vie du visage, le caractère. Je veux être loyale avec mes traits, avec le visage que je me suis fait, avoir ce courage-là. Mais parfois je pense que ce serait plus facile d'éviter la vieillesse, de mourir jeune, mais alors, qui finira votre vie ? Qui saura qui vous êtes ? »
" Vous l'avez connue quand elle n'était pas le mythe qu'elle est devenue. Juste une actrice. Vous savez, je l'aimais, Marilyn. Et vous êtes assez intelligent pour savoir ce qu'aimer veut dire, dans la psychanalyse comme ailleurs, dans ce que vous appelez la vraie vie. "
Il la prend, la jette. Avec amour et abjection, il l'écoute, deux ans et demi. Il n'entend rien et la perd. Ce serait une histoire triste, sinistre, dont rien ne rachèterait la mélancolie, même pas ce sourire par lequel Marilyn semblait s'excuser d'être si belle.
Seule la fiction donne accès au réel. Mais ce qu'on atteint à la fin d'un récit comme à celle d'une vie n'est pas la vérité des êtres. Celui qui écrit et qui n'est pas moi, pas que mes personnages ne sont Marilyn et Ralph, regarde comme celle d'un autre sa main qui rebrousse le temps mot à mot.
Elle donnait son corps à tous ceux qu'elle croyait aimer et donnait de l'argent à tous ceux qu'elle aimait. Elle aimait aimer; elle aimait se dire qu'elle aimait.
La détresse était le seul moyen pour elle de s'assurer de la présence de l'autre et elle était devenue une entité cauchemardesque qui en dépit de tout amour, de toute fragilité ou splendeur, le détruisait inexorablement. Et s'il n'avait pas envie d'être détruit ?
Elle était devenue mon enfant, ma douleur, ma soeur, ma déraison.
Elle avait une capacité unique à ses yeux d'apparaître pour disparaître, de passer pour celle que l'on voulait qu'elle soit, tout en laissant dans un retrait profond sa personne réelle.
Je suis son analyste, je veux incarner une image paternelle positive, un père qui ne la décevrait pas, qui éveillerait sa conscience ou lui prodiguerait, à tout le moins, de la bonté.