Batgirl Vol. 6: Old Enemies

Ce tome fait suite à Batgirl Vol. 5: Art of the Crime (épisodes 26 à 29, annuel 2) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il comprend les épisodes 30 à 36, initialement parus en 2019, écrits par Mairghread, dessinés par Paul Pelletier (à l'exception de l'épisode 33), avec un encrage de Norm Rapmund (aidé par José Marzan junior pour l'épisode 35) et une mise en couleurs de Jordie Bellaire (remplacée par le studio Hi-Fi Design pour l'épisode 36. L'épisode 33 a été dessiné et encré par Elena Casagrande (pages 1 à 13 et 16 à 20) et Scott Godlewski (pages 14 & 15), avec une mise en couleurs de John Kalisz. Il contient les couvertures originales de Pelletier (é30), Emnuela Lupacchino (é31, é32, é33), Francis Manapul (é34, é35, é36) et les couvertures variantes de Joshua Middleton (*4), Stanley Lau (Artgerm), Derrick Chew, Yasmine Putri.

Dans sa tête, Barbara Gordon répète son mantra : pistolet, balles, batarangs. Elle finit par s'élancer dans le vide depuis le toit d'un immeuble et lance son filin. Tout se passe bien et elle sourit de plaisir en se balançant de gratte-ciel en gratte-ciel. Elle passe devant une énorme affiche pour Luciana Alejo, candidate à la mairie, menant une vigoureuse campagne contre la corruption au sein de la police de Gotham (GPCD, Gotham City Police Department). Elle s'arrête sur un toit pour observer, en hauteur, l'intervention publique d'Alejo. La police assure un cordon de sécurité. La candidate monte à la tribune et commence son discours sur la lutte nécessaire contre la corruption au sein de la police de Gotham. Dans une rue adjacente, 3 agitateurs se préparent à se mêler à la foule des curieux. Ils sont accompagnés d'un monsieur avec une cane : Jason Bard. Ils remontent tous les quatre un foulard avec des dents de requins pour masquer le bas de leur visage. le plus massif s'empare de la pancarte d'un manifestant et cogne sur un policier en tenue anti-émeute, avec son bouclier. Jason Bard essaye de contenir l'agresseur, mais ce dernier prend la fuite. James Gordon ordonne à la police de se lancer à la poursuite de l'agresseur, mais la foule houleuse s'interpose. Finalement, Batgirl descend avec grâce du toit pour s'interposer et éviter que ça ne dégénère en bagarre généralisée.

Un des agitateurs porte une ceinture d'explosifs et il se fait sauter, créant une énorme confusion. Les autres en profitent pour prendre la poudre d'escampette. Batgirl réussit à mettre le grappin sur Jason Bard qu'elle reconnait comme étant l'individu qui a fait accuser de meurtre son père James Gordon. Il profite de son étonnement pour la gazer et s'enfuir à son tour. le lendemain matin, Barbara Gordon prend son petit-déjeuner et se met des gouttes dans les yeux, tout en consultant les nouvelles sur sa tablette : elles concernent Luciana Alejo. Son père James arrive à son tour et râle de voir la tête de l'accusatrice de la police dès son lever. Barbara lui fait observer que la corruption est bel et bien présente au sein de la police, et qu'elle a l'intention de s'inscrire comme volontaire dans l'équipe de campagne de Luciana Alejo. Ils se disputent et Barbara part en claquant la porte. Dans le taxi, elle répond à un appel de Francine Charles qui l'informe que les actions de Gordon Clean Energy sont en train d'être rachetées en masse. Elle ajoute qu'elle n'arrive pas à joindre Alysia Yeoh pour lui en parler. Barbara Gordon pénètre dans le local de campagne de Luciana Alejo et est percutée par Isabella, la responsable des volontaires. Elle l'amène direct dans le bureau de la candidate : Barbara Gordon y est accueillie par Luciana Alejo et Jason Bard qui la reconnaît immédiatement.

Le tome précédent proposait une version enlevée et enjouée de Batgirl, sous la houlette d'une nouvelle scénariste. le lecteur revient donc pour le deuxième tome écrit par Mairghread Scott, en espérant bien retrouver les mêmes caractéristiques. Il a le plaisir de constater que Barbara Gordon n'a rien perdu de son entrain et de sa bonne humeur. Ce n'est pas pour autant qu'elle est toujours souriante et de bonne humeur. Elle a son petit caractère, ou plutôt juste une réelle personnalité. Il est hors de question que son père lui dicte sa manière d'agir, que ce soit pour son engagement auprès de la candidate à la mairie, ou pour sa relation avec son frère. En civil, Paul Pelletier montre une belle jeune femme rousse, sans exagérer ses mensurations, sans cadrage suggestif insistant, avec un visage expressif, sans aller jusqu'à la caricature. le lecteur peut voir la colère monter progressivement sur le visage de Barbara lors de la discussion avec son père au petit-déjeuner. Il peut voir sa mine défaite après son affrontement contre le Terrible Trio, et le sourire revenir lorsqu'elle déménage et qu'elle retrouve son indépendance.

Paul Pelletier a choisi également de ne pas exagérer les courbes de Barbara Gordon en costume de Batgirl. Sa poitrine conserve une taille normale et il n'y a pas de gros plan sur son postérieur quand elle passe à l'attaque ou qu'elle se livre à des acrobaties. Par comparaison, la morphologie de Cormorant (Edward Wells) est beaucoup plus exagérée avec une musculature de culturiste professionnel et des postures viriles. le lecteur note juste que l'artiste aime bien dessiner Batgirl avec les membres en élongation pour lui donner une allure plus gracieuse. D'un point de vue global, Paul Pelletier réalise des dessins dans un registre descriptif avec un bon niveau de détails. Les décors sont représentés dans plus de 70% des cases avec plusieurs éléments spécifiques permettant au lecteur de se projeter dans des environnements concrets et tangibles : les toitures terrasse de Gotham, la cuisine de l'appartement des Gordon, le quartier général de campagne de Luciana Alejo meublé à bon marché et bruissant d'activité, la terrasse recevant la réception de levée de fonds pour la candidate, les différentes façades de gratte-ciels vues de la rue, l'intérieur de la Tour de l'Horloge, l'intérieur du club privé The Den. Par comparaison, Elena Casagrande et Scott Godlewsk réalisent des dessins avec un degré descriptif significativement moindre.

Le lecteur attend également d'une série mensuelle de superhéros des combats et des éléments visuels sortant de l'ordinaire. Paul Pelletier s'attache avant tout à raconter son histoire et à rester dans un registre compatible avec les prouesses d'une personne qui n'est pas dotée de superpouvoir. Mise à part sa capacité à accrocher son filin sans difficulté pour se balancer d'immeuble en immeuble, Batgirl ne dispose pas de capacités impossibles : son niveau de force est normal, et ses gadgets sont plausibles. Cela rend l'identification avec elle plus facile, et cela n'empêche pas des visuels spectaculaires, que ce soient les affrontements physiques ou ses opposants. le lecteur apprécie la finesse de l'encrage de Norm Rapmund qui respecte bien la précision des traits de Paul Pelletier. Cela donne une apparence d'autant plus étrange au Terrible Trio, 3 individus avec une tête d'animal. Après avoir doté Cormorant d'une musculature impressionnante, Paul Pelletier peut se lâcher encore plus pour celle de Shark, s'amuser avec la silhouette féminine de Vulture à l'allure un peu snob, et donner un maintien princier à Fox. À nouveau, par comparaison, la narration visuelle d'Elena Casagrande est plus plate et moins dynamique.

L'histoire se compose de 3 parties qui s'enchaînent bien. L'épisode 33 constitue une forme d'interlude au cours duquel Barbara Gordon découvre que son frère a été relâché pour bonne conduite. le lecteur comprend bien que la scénariste a dû faire avec cette obligation éditoriale destinée à une autre intrigue. Elle s'acquitte de sa tâche avec élégance, sans donner l'impression de faire une pause dans son récit, ou un écart. Les deux parties forment chacune un chapitre pour constituer une histoire complète. du fait de ses convictions, Barbara Gordon se retrouve à défendre une candidate politique qui attaque l'institution publique commandée par son père, et à travailler avec un individu qui avait fait faire accuser son même père. Mairghread Scott se tient à l'écart de toute dramatisation pesante. Son récit repose d'abord sur la recherche du commanditaire de Cormorant, tout en s'interposant pour éviter que celui-ci ne mène à bien son contrat. Puis le deuxième chapitre raconte l'affrontement entre le Terrible Trio et Batgirl au cours d'une soirée de patronage amalgamée à un racket organisé. Barbara Gordon se lance dans l'enquête et dans la bataille pour protéger Luciana Alejo contre une tentative d'assassinat. Elle doit aussi lutter contre l'envie de balancer Jason Bard pour ses crimes passés, et essayer de ne pas trop se faire prendre en grippe par Izzy, responsable des stagiaires, court-circuitée par Jason Bard. La scénariste dose avec expertise la composante aventure, la composante comédie de situation et la composante réflexion personnelle, divertissant son lecteur avec un savoir-faire consommé.

Cette deuxième partie de la saison des aventures de Batgirl écrite par Mairghread Scott est aussi agréable que la première. Elle ne cherche pas à révolutionner le monde des comics, juste à écrire un bon comics de superhéros, ce qu'elle fait très bien. Paul Pelletier se met en phase avec la tonalité du scénario, donnant à voir une jeune femme bien dans sa peau qui se lance dans l'aventure, affronte des gros méchants, et gère comme elle peut ses relations sociales, pas toujours simples. Un bon récit de superhéroïne sans prétention, exécutée avec maîtrise, intelligence et sensibilité.