Citations sur Charles le Téméraire, tome 2 : Anne de Geierstein, La f.. (5)
- ... ... ...La tête qui réfléchit peut accorder sa confiance au bras qui frappe.
– Non pas avant que le moment de frapper soit arrivé,
Il y a des occasions où l’aide d’un étranger qui connaît bien le pays est plus utile à un homme que celle de trois de ses frères qui ne le connaissent pas
Apprenez que jusqu’à ce qu’on ait passé le milieu de la vie, on sait à peine distinguer le vrai bonheur de l’adversité ; ou plutôt on recherche comme des faveurs de la fortune ce qu’on devrait regarder comme des marques de son courroux. Voyez là-bas cette montagne dont le front sourcilleux porte un diadème de nuages qui tantôt s’élèvent, tantôt s’abaissent, suivant que le soleil les frappe, mais que ses rayons ne peuvent disperser. – Un enfant pourrait croire que c’est une couronne de gloire ; – un homme y voit l’annonce d’une tempête.
Le jeune Arthur Philipson aurait avec le plus grand plaisir profité de ce peu d’instants pour dire adieu à Anne de Geierstein ; mais on n’apercevait plus le manteau gris dans les rangs des Suisses, et il était raisonnable de penser que, dans le tumulte qui avait suivi l’exécution d’Archibald et la retraite des chefs du petit bataillon, elle s’était elle-même retirée dans quelqu’une des maisons voisines, tandis que les soldats qui l’entouraient, et que ne retenait plus la présence de leurs commandants, s’étaient dispersés, les uns pour chercher les objets de prix qui avaient été enlevés à l’Anglais, les autres sans doute pour participer aux réjouissances de la victorieuse jeunesse de Bâle, ainsi qu’à celles des bourgeois de La Ferette, par qui les fortifications de la ville avaient été si heureusement livrées. Il s’éleva alors parmi eux un cri général pour que La Ferette, si long-temps considérée comme la barrière des confédérés suisses et l’obstacle de leur commerce, fût désormais occupée par une garnison helvétique, destinée à les protéger contre les empiétements et les exactions du duc de Bourgogne et de tous ses officiers. Toute la ville était plongée dans le désordre, mais c’était celui de la joie, et les citoyens rivalisaient les uns avec les autres pour offrir aux Suisses toute espèce de rafraîchissements ; et la jeunesse qui escortait la députation s’empressait gaîment, et avec un air de triomphe, de profiter des circonstances qui avaient si inopinément changé la perfidie méditée si odieusement en une joyeuse et cordiale réception.
Le vieux roi supporta si bien la mort de sa fille, que le second jour après cet événement il s’occupait à arranger une procession pompeuse pour les funérailles, et à composer une élégie qui devait être chantée sur un air également de sa composition en l’honneur de la reine défunte, qui y était comparée aux déesses de la mythologie païenne, à Judith, à Débora et autres héroïnes de l’ancien Testament, pour ne point parler des saintes du martyrologe. Nous ne pouvons nous dispenser d’avouer que lorsque la première violence de son chagrin fut passée, le roi René ne put s’empêcher de sentir que la mort de Marguerite tranchait un nœud politique qu’il aurait trouvé sans cela difficile à dénouer, et lui permettait de prendre ouvertement le parti de son petit-fils, c’est-à-dire de l’aider d’une partie considérable des sommes contenues dans le trésor public de la Provence, et qui, comme nous l’avons dit, ne montaient en ce moment qu’à dix mille écus.