La faute à Saddam

Violette se fâcha, et agitant son index, sermonna : Il ne faut pas se moquer de la peine du voisin, car la vôtre arrive le lendemain matin !
Il arrivait souvent à Violette d'énoncer des vérités empruntées aux proverbes entendus çà et là, récoltés au hasard des discussions. Elle ne les retranscrivait pas toujours dans le bon ordre, parfois même elle changeait le sens, mais quand elle les prononçait, ils avaient le pouvoir, et ce, probablement en raison de leur caractère approximatif, d'inviter au silence, et à la réflexion.

On ne force pas un secret à répandre son parfum. Le père d'Adel croyait en la force du silence. Le silence, comme tentation de diversion, serait sa providence. Cesare, dont la confidence brûlait les lèvres se tut, et laissant venir d'autres larmes, s'abandonna entièrement dans les bras du vieil homme qui serra si fort qu'on aurait pu croire qu'il était en train de le confondre avec un autre. La tête reposée sur son épaule, Cesare mesura à quel point il était maigre. Des os fins, comme des os de poulet, dont on pouvait, rien qu'au toucher, mesurer l'épaisseur. Pour la première fois, il comprit ce que l'expression "être dévoré de chagrin" signifiait, et tout ce qu'elle recelait de drames muets.

Dans l'armée, on ne se plaint pas, on ne revendique pas, on ne réclame pas. L'une des premières choses qu'on apprend, c'est à hurler sans bruit.

Au 8 de la rue Michelet, il y avait Violette, que tout le monde connaissait parce qu'elle vendait son cœur pour pas cher, c'était ce qu'elle disait, Ce n'est pas mon cul que je vends, c'est mon cœur, je baise avec tendreté, moi ! Elle ne disait jamais tendresse, mais tendreté, comme on dirait d'une pièce de veau, ou de bœuf.

Nul ne saurait jamais d'où venait Violette. Elle gardait le secret, sans jamais le divulguer à personne, consciente que "Plus un secret a de gardiens, mieux il s'échappe".