Avant il faisait bon vivre ici. Le son des cloches de l'église avait un sens, nos voisins chrétiens nous invitaient à les rejoindre. On s'entendait bien, on se souhaitait toutes les fêtes religieuses, on s'apprenait des chansons les uns aux autres...
C'est bien de vivre à Istanbul. Ici, tout le monde est étranger. Les Arméniens, les Grecs, les Juifs....Certes, il n'en reste pas énormément...Mais les Kurdes sont nombreux.
Ma vie à moi ne m'apporte que de la peine. Les feuilles à l'intérieur de moi se détachent et tombent. Je m'efforce de me souvenir du temps où elles étaient vertes. Sans y parvenir.
Les routes des uns se séparent, celles des autres se rejoignent, dégagées ou ombragées, linéaires ou sinueuses. A chaque pas de nombreux choix s'offrent aux voyageurs. Certains le voient, d'autres non.
Tout allait bien. L'avenir semblait clément.
Mais je ne suis pas fait pour l'espoir ... songea-t-il.
Les secrets se cachaient dans une forêt peuplée d'ashik [barde] et de chasseurs. Au pied d'un arbre dénudé, la vérité pleurait, oubliée de tous.
Istanbul est une ville immense, chargée de mythes. Tantôt elle pleure, tantôt elle rit. Un imbroglio de microcosmes. De temps et de lieux. De souvenirs et d'espoirs. De doigts tailladés, de lèvres de rose, de regards secrets ....
C'était difficile de garder la tête froide. A Paris, chacun se surveillait, avait une foule d'obligations. A l'époque, un mouvement arménien armé avait vu le jour ; ses militants attaquaient les consulats turcs. Dans ce climat de règlement de comptes, ils ne faisaient que se consumer eux-mêmes. "Tu deviens leur sujet. Si tu pars, ils te brûlent, si tu restes, ils te grillent. Et si tu prends un vent contraire, tu es perdu. Le feu s'éteint, tout n'est que débris brûlés et odeur de plastic. A en avoir la nausée."
Il nous reste un demi espoir.