Depuis le fulgurant «
Blouse »
Antoine Sénanque est un « médecin sans médecine », comme il le dit du héros de son dernier roman au titre emprunté à Rutebeuf «
Que sont nos amis devenus ? ».
Comme dans ses autres romans, Sénanque met en scène un personnage désabusé dont la vie est tout sauf un fleuve tranquille. Entre l'EHPAD dont il est directeur administratif, sa femme et sa fille sur un départ plus ou moins définitif, l'ami Camille qui nourrit son écriture des histoires des autres, Pierre Mourange traîne son vague à l'âme.
Le suicide de son psychanalyste peu après une consultation ratée l'entraîne dans une aventure policière rocambolesque.
Et c'est là qu'on aurait envie de dire à
Antoine Sénanque qu'il n'a nul besoin d'une intrigue cousue de fil blanc pour faire vivre son écriture magnifique et les valeurs qu'elle porte : l'amitié au-delà de tout, une vision rare de l'existence, entre noirceur et beauté, des réflexions fécondes sur les liens entre l'écriture et la vie.
Sénanque pourrait aussi renouveler le motif du personnage (professeur ou vétérinaire ou médecin défroqué ou psychiatre) confronté à une middle-life crisis. Et aussi varier les noms de ses héros Mourange ou Fusain… et écrire enfin le pendant du splendide «
Blouse ».
Mais pour une phrase comme celle-ci on lui pardonne beaucoup : « En fait, c'était cela l'essentiel qu'on pouvait reprocher aux autres. de ne pas nous permettre de donner le meilleur de nous-mêmes à leur contact. Il y a des gens qui vous rendent silencieux même si vous êtes bavard, grossier si vous êtes subtil, obscur si vous êtes brillant. En bref, des gens qui vous expriment mal. »