Ces garçons rasés de près et élégants comme des femmes, on les appelait, au carasol, petites bites, mais la première chose qu’ils firent fut de passer une formidable raclée au cordonnier, sans que sa neutralité lui serve à quoi que ce soit. Puis ils abattirent six paysans, dont quatre de ceux qui vivaient dans les grottes, et ils laissèrent leurs corps dans les fossés de la route qui menait au carasol.
Le père de Paco avait un chien maigre et de mauvaise apparence. Les paysans traitent leurs chiens avec indifférence et cruauté, et c'est sans doute pour cette raison que ces animaux les adorent. Le chien accompagnait parfois l'enfant à l'école. Il marchait à côté de lui sans frétiller, sans manifester de joie, le protégeant de sa seule présence.
Paco était alors très préoccupé de persuader le chien que le chat de la maison avait lui aussi le droit de vivre. Le chien ne l'entendait pas ainsi, et le pauvre chat dut fuir à travers champs. Quand Paco voulut le récupérer, son père lui dit que ce n'était pas la peine, les animaux sauvages l'avaient sûrement déjà tué. Les hiboux n'ont pas l'habitude de tolérer l'existence d'autres animaux qui voient dans le noir comme eux. Ils poursuivaient les chats, les tuaient et les mangeaient. Du jour où il apprit cela, la nuit devint mystérieuse et redoutable pour Paco, et quand il allait se coucher il tendait l'oreille, essayant d'entendre les bruits de l'extérieur.
– Allons, ne sois pas bête. Il y a d’autres hommes sur terre, et, tout compte fait, ils se valent tous.
– Pour moi, répondit-elle, il n’y en a qu’un.
Le grand-père souriait. Si ce garçon ne se mariait pas avec Lucie mais avec Joaquine, que se passerait-il ? Une ombre d’angoisse dans les yeux de Lucie lui renvoyait la question, et le vieux se répondit à lui-même :
« Rien. Il ne se passera rien. Dans la vie, quand ce genre de chose arrive, il ne se passe rien. »