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Un roman magnifique et effroyable à la fois !
Kaunas, en Lituanie 14 juin 1941, juste avant que les Allemands n'envahissent les pays baltes. Les soviétique se livrent à une épuration planifiée par Staline : on arrête les écrivains, les artistes, les enseignants, et toute personne ayant une activité intellectuelle et qui serait susceptible de travailler contre le pouvoir central. C'est dans ce contexte que Lina, jeune lituanienne de 16 ans est condamnée à être déportée.
Roman effroyable parce que si J'ai déjà entendu parler des conditions de détention en Sibérie, je constate à la lecture de ce roman-témoignage que l'extermination dans ces camps n'étaient pas toujours directe comme dans les camps Allemands, pas d'élimination systématique mais une mort quasi certaine, une mort progressive dans des souffrances atroces, souffrances morales, souffrance physique, maladie tournée en dérision par des gardes monstrueux, à vomir !!!!
Une question m'est venue : pourquoi n'a -t-on pas décidé d'un devoir de mémoire pour ces gens ? Parmi les réponses possibles, l'existence d'une URSS et de son parti unique durant toutes ces décennies qui si elle a libéré les déportés dans les années 50, s'est assurée de leur silence, le KGB les surveillant étroitement. C'est ainsi que les quelques témoignages recueillis proviennent d'écrits et dans le roman présent, de dessins d'artistes qui ont été enfouis au moins jusqu'à l'indépendance des pays baltes en 1991. Les survivants sont aujourd'hui encore réduits au silence par leur âge, par l'habitude, par le fait d'avoir refoulé des souvenirs si longtemps.
Roman magnifique pourtant par la richesse humaine en laquelle il faut croire : Helena, la mère de Lina intelligente, vive, d'une finesse extraordinaire, et chaque personnage, agréable ou non, a son rôle et contribue à l'équilibre de cette société a qui l'on inflige des travaux inhumains. le ressenti de tous ces personnages bien différents s'exprime et c'est ce qui fait la richesse de cette histoire.
Vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman admirable : documentaire précieux sur les conditions de détention au-delà du cercle polaire, je me suis attachée aux personnages à tel point que je n'ai pas voulu refermer ce livre avant de connaître l'issue pour chacun de ces êtres humains déportés, oeuvrant ou non pour l'intérêt de la communauté, chacun étant un héros dans l'histoire.
Merci aux babéliotes qui ont rédigé une critique de ce roman et qui m'ont permis de le découvrir !
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Ruta Sepetys ouvre sa palette de couleurs sombres pour nous dévoiler un pan de l'Histoire assez inconnu, à savoir la déportation et le génocide de milliers d'habitants des pays baltes dans des camps en Sibérie par les soviétiques, en 1941.

Fidèle à son envie de dénoncer l'innommable afin qu'il ne puisse plus se reproduire, comme une manière de rendre la parole à toutes les victimes, l'auteure américaine a un besoin viscéral de se raconter pour se réconcilier.

Mêlant les faits à un peu de fiction, pour un roman à forte dose de pudeur et d'émotion, l'écriture gagne en force ce qu'elle abandonne de lyrisme, mais n'en demeure pas moins envoûtante et touchante.

Je referme le livre gorge nouée par un roman fort et puissant, qui malgré la part d'horreur innommable, libère une incroyable énergie.
L'énergie du désespoir, celle qui donne des ailes, qui transcende la faim, le froid, la maladie et qui empêche qu'on vous vole l'espoir.

On peut tout prendre à un être humain, sauf son désir de vivre et d'espérer et cette lueur qui même au bord du gouffre, lui permet de faire le choix de la vie.


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Une claque. Cette histoire, racontant l'histoire de personnes fictives mais relatant des évènements qui ont eu lieu, me laisse sans voix.
Personnellement, je ne connaissais pas ce pan de l'histoire durant la 2ème guerre mondiale. Je ne savais pas que, parallèlement aux horreurs d'Hitler et des SS, des Soviétiques avaient déportés des millions de personnes jugées anti-soviétiques.
Comment ont-ils réussi à survivre ?
A chaque lecture sur ce genre de sujet, je me pose la question.
Comment aurai-je réagi à leur place ?
Nous, simples lecteurs, face à ce genre de témoignage, nous sommes confortablement installés dans un fauteur, une tasse de café fumant accompagnée de petits gâteaux, ne manquant de rien, n'ayant jamais subi le 10ième de leurs souffrances.
Qu'est ce qui leur a donné la force de résister, de survivre, de continuer à respirer ?
J'éprouve toujours divers sentiments en refermant ce genre de livre : la honte de voir les atrocités de certains êtres humains, la honte mais aussi le dégoût.
Et un immense respect pour le courage des victimes.
Egalement un sentiment de "voyeurisme", mais je pense qu'il faut passer outre ce sentiment et parler de transmission, de témoignage qu'il faut partager le plus largement possible.
Merci à Ruta Sepetys de m'avoir fait découvrir cette Histoire là !
Lisez ce livre... Il est dur, mais il est indispensable... L'histoire ne doit pas être oubliée, de façon à ce que cela ne se reproduise pas...
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En cette soirée du 14 juin 1941, installée à son bureau, en chemise de nuit, Lina s'apprête à écrire à sa cousine lorsque des coups frappés à la porte, insistants, pressants, retentissent dans tout l'appartement. Sa mère va ouvrir et trois fonctionnaires du NKVD, la police secrète soviétique, font irruption et informent la famille qu'ils ont 20 minutes pour se préparer. En vitesse, Lina et son petit frère Jonas font leurs valises, leur maman les sommant de ne prendre que l'utile tandis qu'elle-même s'acharne à détruire sa plus belle porcelaine avant d'enfiler son manteau où elle aura caché dans la doublure papiers, bijoux et autres objets de valeur. En suivant les fonctionnaires qui les conduisent tous les trois vers un camion où sont déjà entassées plusieurs personnes, Lina s'inquiète pour son père qui n'était pas rentré, plus tôt dans la soirée, de son travail. Des heures d'attente devant l'hôpital avant qu'un agent du NKVD hisse une jeune femme et son nourrisson dans le camion. Si beaucoup s'inquiètent et ont peur de ce qui les attend, un homme chauve, lui, est certain qu'ils vont tous mourir. Premier arrêt, un modeste dépôt ferroviaire où des wagons à bestiaux s'alignent à l'infini et dans lesquels une multitude de Lituaniens sont pressés et entassés. Personne ne sait encore qu'un long et pénible voyage les attend...

Si la déportation des Juifs, sous les ordres d'Hitler, et leur enfermement ou extermination dans des camps de concentration est un pan de l'Histoire dramatique et horrible, il en est un autre tout aussi tragique et pourtant moins connu : la déportation de la population de trois pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) vers des camps situés en Sibérie. Des personnes (médecins, avocats, professeurs, musiciens, bibliothécaires...) envoyées en prison ou déportées pour y être réduites à l'état d'esclaves, dans des conditions climatiques extrêmement rudes, sous le seul prétexte d'être considérées d'office comme antisoviétiques. Si ces faits effroyables sont aussi peu connus, c'est tout simplement parce que ceux qui ont eu la chance d'en ressortir vivants n'ont pas eu le droit d'en parler sans risquer un emprisonnement immédiat ou une nouvelle déportation, quand ce n'était pas la mort. C'est à partir de l'histoire de Lina et sa famille que Ruta Sepetys retrace ces événements terribles et inhumains. Adolescente de 15 ans, elle sera déportée, comme bon nombre de ses concitoyens, vers un camp en Sibérie, sous la surveillance de soldats du NKVD tyranniques. Rudesse du climat, abri de fortune, nourriture inconsistante, maladie et infection, travail à longueur de journée... C'est ce qu'ils subiront tous pendant des années. Si ce roman, basé sur des faits historiques, l'auteure s'étant elle-même inspirée de l'histoire de sa propre famille, raconte l'horreur, l'impensable, la noirceur de l'être humain, il n'en reste pas moins profondément émouvant et touchant et teinté d'une lueur d'espoir. D'une incroyable richesse et justesse, porté par des personnages inoubliables, ce roman, éprouvant, est, sans nul doute, essentiel pour comprendre la portée de ce qu'a fait subir Staline (qu'on estime responsable de la mort de plus de 20 millions de personnes).
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Leur crime ? Être un des enjeux du pacte germano-soviétique. Leur sentence ? La déportation en Sibérie, voire, pour les plus chanceux, au-delà du cercle polaire. Et être traités comme moins que de la boue. Pourtant certains survivront, refusant d'abdiquer leur humanité, leur dignité, quelles que soient les humiliations. Pour lutter, Lina s'accrochera au dessin, aux enseignements de Munch et à une pierre de quartz et de mica. Car même au goulag l'amour n'ait et s'épanouit.
Un premier roman au sujet terrible : la déportation des populations des pays baltes (pour se faire une idée : wagons à bestiaux pendant des semaines, nourriture douteuse, camps) L'auteur évite avec succès les pièges du pathos et du larmoyant. Son héroïne est une resistante, une combattante, touchante et meurtrie. le dessins et l'amour des siens seront sa planche de salut, comme elle sera celle des autres.
Elle est et restera humaine.
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« Pas assez dur » ? Mais qu'est-ce que je viens de lire dans une critique sur ce site !
Pas assez dur, le fait de déporter des milliers de Lituaniens dans des wagons à bestiaux, les trainer pendant des semaines à travers la Russie, au-delà des montagnes de l'Oural, au-delà du cercle polaire, pour y travailler sans espoir de retour ?
Pas assez dur, assister à la mort de ses compagnons de voyage, et voir leurs cadavres jetés sur les rails, y compris ceux des enfants devant leur mère éplorée ?
Pas assez dur, travailler à en crever, pour manger le soir un morceau de pain et/ou une betterave, au point que les enfants meurent du scorbut ?
Pas assez dur, être séparé de sa famille, ne plus avoir de nouvelles, et voir ses proches mourir ?
Pas assez dur, être traité comme moins que rien, être insulté, moqué, frappé, privé de sa ration de pain parce qu'on a trébuché ?
Pas assez dur devoir coucher avec l'ennemi sous peine de voir son fils assassiné ?
Je continue ?

Ce roman bouleversant pour adolescents (et moi, je dis, pour tout le monde ! ) raconte en effet la déportation par les Russes des intellectuels, des artistes, des supposés ennemis du communisme, issus des pays baltes, et en l'occurrence ici, de la Lituanie (annexée par l'URSS en 1939). Déportation jusqu'en Sibérie, et au-delà, qui a commencé en JUIN 1941.
J'avais lu « Une journée d'Ivan Denissovitch », quand j'étais en humanités. Je savais que les opposants à Staline étaient envoyés au goulag, mais mes connaissances s'arrêtaient là.
Je ne savais pas que pendant la guerre, des familles entières étaient envoyées vers l'horreur. Je croyais que cela ne concernait que les Juifs…

Ce roman est d'autant plus déchirant qu'il est vu par les yeux d'une jeune fille de quinze ans, ne connaissant pas les tenants et aboutissants de la politique stalinienne. Elle a un petit frère, et des parents aimants. Elle connaitra l'enfer.
Dans un style abouti et nullement simpliste, au rythme trépidant – je ne parvenais pas à me détacher des pages, chapitre après chapitre -, Ruta Sepetys s'est inspirée de l'histoire de sa propre famille et a fait de nombreuses recherches y compris en Lituanie pour raconter l'effroyable.

Je recommande ce roman poignant non dénué d'espoir et d'amour, particulièrement aux adolescents (et aux adultes…) qui découvriront ainsi un pan méconnu de l'Histoire des hommes, ces êtres capables du meilleur et du pire.

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Rien de nouveau avec cette nouvelle critique, si ce n'est l'envie, le besoin de partager cette profonde émotion de lecture qu'il a suscité.
La vie de Lina, une lituanienne de quinze ans douée pour le dessin, bascule la nuit de 1941 où elle est embarquée avec sa mère et son petit frère par des soldats du NKVD (police politique soviétique). Ce livre est le récit d'une déportation qui durera douze ans, et les conduira jusqu'au cercle polaire arctique, en passant par les plateaux de l'Altaï. Ruta Sepetys, elle-même petite fille d'un officier lituanien qui a réussi à s'échapper du pays avant les purges staliniennes, s'est longuement documentée sur le sujet avant d'écrire ce bouleversant roman. Un récit parfois très dur, mais qui touche aux valeurs essentielles. Ces valeurs universelles donne une intemporalité à ce récit à partager.
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Avec l'invasion de la Lituanie par Staline en 1939 s'instaure une purge de l'élite, ces 'cochons de fascistes', déportés au nord de la Sibérie, exposés tels des esclaves à la faim, au froid, au sadisme des officiers du NKVD.

Mais ce que le NKVD ne pourra leur prendre, c'est la dignité et l'entraide courageusement prônée par la mère, Elena, ni les croquis de sa fille Lina, qu'elle laisse comme témoignage en espérant qu'un jour ils permettront à son père de les retrouver.

Troisième incursion chez Ruta Sepetys et j'apprécie son écriture pertinente et bien documentée, ses personnages attachants.
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Après avoir lu "Le Sel de nos Larmes", que j'avais tout simplement adoré, j'ai été dans l'objectif de vouloir lire tous les romans de Ruta Sepetys. J'avais notamment entendu parler de "Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre", son oeuvre la plus connue et que je voulais absolument découvrir.

Je ne sais pas si cela parait étrange pour une adolescente de presque seize ans, mais j'aime beaucoup les livres sur la Seconde Guerre Mondiale. C'est une époque très dure et étant née après l'an 2000, je ne pourrais jamais connaître les réelles horreurs qu'ont vécu les gens durant cette période... Néanmoins, je trouve cette époque passionnante (je ne sais pas si ce mot est réellement adapté). le XXème siècle est tellement riche, tellement intéressant… ! Les livres Jeunesse me permettent d'en apprendre davantage sur la Seconde Guerre Mondiale tout en restant très accessibles. Toutes les lectures sur cette période que j'ai pu lire jusqu'à là ont été d'excellentes découvertes ! Alors bon, j'avais vraiment hâte de découvrir "Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre" !!

Mes amis m'ont trouvé bizarre à lire ce livre alors que j'étais en vacances aux Maldives. Honnêtement je ne saurais pas trop l'expliquer aha. Mais disons que quand je lis, je suis vraiment dans ma bulle et je peux lire de tout, qu'importe où je suis et qu'importe le sujet du roman... Est-ce compréhensible ?

J'ai accroché dès le début au récit et au personnage principal de Lina. Adolescente de mon âge, dessinatrice de talent et révoltée par les évènements cruels et injustes se déroulant à l'époque... C'est une jeune fille forte et touchante à qui je me suis très vite attachée.

J'ai beaucoup aimé les autres personnages, comme la mère de Lina par exemple. C'est une femme courageuse et altruiste que j'ai admiré tout le fil de ma lecture.
J'ai aussi sincèrement apprécié le personnage d'Andrius, ainsi que son lien avec Lina qui s'est développé petit à petit durant le livre.

Les flashbacks récurrents nous permettent d'en apprendre davantage sur la vie de Lina. Sa vie d'avant. Une vie normale, banale, comme n'importe quelle adolescente de son âge. Des souvenirs pour la plupart heureux qui me brisent le coeur. Elle avait un avenir radieux devant elle, étant admise à une école d'art qui la faisait rêver...

C'est dur. C'est triste. C'est profondément horrible et injuste…
Mais j'ai aussi profondément aimé ce livre.

J'ai terminé cette lecture les larmes aux yeux.
Ce livre était incroyable. Il mérite tout son succès et un immense respect de ma part.

Certes, bien sûr, ce n'était pas feel good. L'injustice est omniprésente et qu'importe ce que j'ai pu ressentir durant cette lecture, je ne pourrais jamais savoir et comprendre réellement ce qu'ont vécu les personnes concernées. Il n'y a pas de mots suffisants pour dire à quel point ce qu'ils ont vécu est horrible et inhumain.
Mais ce livre n'est pas que ça. C'est aussi voir encore de l'espoir même dans les moments les plus sombres. (j'ai pas pu m'empêcher de penser à Dumbledore en écrivant ces mots...) C'est aussi s'entraider et se battre pour survivre. Pour continuer de vivre, voir au-delà du présent et essayer de se projeter dans un futur meilleur.
Cette lecture est une claque, un témoignage puissant. Malgré les personnages fictifs, les évènements, eux, sont bien réels, et il est nécessaire d'en parler à travers des oeuvres comme celles-ci pour les générations futures. Pour informer, sensibiliser, et que cela ne se reproduise plus jamais.

Un roman Jeunesse que je conseille donc à tout le monde, que vous soyez adolescents ou adultes. Je l'ai trouvé tout simplement incroyable.
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Un roman témoignage sur ces générations oubliées des pays baltes sacrifiées par le régime stalinien, " l'épuration " de la population par l'assassinat et la déportation des personnes ( avec famille au complet ) considérées comme antisoviétiques : nantis et hommes d'affaires, professionnels considérés comme intellectuels - enseignants, journalistes, universitaires, médecins, avocats - et donc susceptibles d'avoir des liens, des sympathies, pour les sociétés étrangères, les officiers de l'armée nationale et toute personne considérée comme complice parce que trop proche de celles qui ont traversées la frontière vers l'ouest.

" Je regardai le petit visage rose qui émergeait du paquet. Un nouveau-né. Il n'était au monde que depuis quelques minutes mais il était déjà considéré comme un criminel par les Soviétiques. Je le serrai étroitement contre moi et déposai un baiser sur son front. Jonas s'appuya contre mon épaule. S'ils traitaient ansi un bébé, comment allaient-ils nous traiter, nous ? "

Ce roman est celui d'une mémoire, celle de la patrie familiale. L'auteur, Ruta Sepetys, est née aux USA, fille d'un exilé lituanien qui est parvenu à s'enfuir alors qu'il était encore qu'un tout jeune homme. Dans la postface, elle rappelle les faits historiques et sa démarche d'auteur. de nombreuses scènes du roman sont réelles. L'un des personnages aussi. Ruta Sepetys a effectué deux voyages en Lituanie pour écrire ce livre, rencontrant sa famille, des historiens, des psychologues ainsi que des survivants des goulags ( qui ne revinrent dans leur pays que dans les années 50 sous surveillance avec interdiction de témoignage sous peine de nouvel emprisonnement ).

" Je fermai la porte des toilettes et entrevis mon visage dans la glace. Je n'avais pas la moindre idée de la vitesse à laquelle il allait changer, se faner. Si je l'avais seulement pressenti, j'aurais fixé avec attention mon image, j'aurais essayé de la mémoriser. C'était la dernière fois que je pouvais me regarder dans un miroir; je n'en aurais plus l'occasion avant une décennie, et même plus. "

Dès l'ouverture du livre, la découverte de la carte accompagnée d'un calendrier présentant le trajet dans ces trains innommables effectué par Lina et sa famille terrifie : six semaines jusqu'à une " ferme collective " de l'Altaï dans un convoi marqué " voleurs et prostituées ". Dix mois d'esclavage. Puis la déportation toujours plus loin à travers la Sibérie, jusqu'au Pôle Nord.

Plusieurs perspectives sont particulièrement frappantes dans ce roman sur cette tragédie historique trop peu racontée.

Le premier, c'est l'ignorance dans laquelle ces populations se retrouvent enfermées dès 1941, sans le moindre renseignement sur le déroulement et les enjeux de la Seconde Guerre Mondiale, sur l'évolution du monde. Des bribes d'informations leur parviennent parfois, difficilement compréhensibles et interprétables. L'ennemi est russe, pas allemand. Lorsque la nouvelle de l'invasion de la Lituanie par les troupes d'Hitler leur est connue, la majorité se réjouit. Ceux qui combattent les Soviétiques ne peuvent que leur venir en aide.

" Les gens dans le wagon discutaient de la guerre; ils tentaient d'imaginer de quelle façon les Allemands pourraient nous sauver. Pour une fois, le Chauve ne soufflait mot. Je me demandai si ce qu'il avait dit à propos d'Hitler était vrai. Pourrions-nous échanger la faucille de Staline contre quelque chose de pire ? Personne ne semblait être de cet avis.

La question lancinante de ce récit est justement celle d'une ignorance effrayante : sait-on ce qui nous arrive ? Allons-nous disparaître ?

Ce roman soulève un paradoxe nécessaire sur l'histoire et la violence de cette période : le paradoxe entre l'image des combattants du nazisme de l'Armée Rouge, les héros de la bataille de Stalingrad, et ces militaires du NKVD, les tortionnaires des camps; le paradoxe entre idéal et idéologie, soulignant les dérives et exactions de tout régime dictatorial, d'une politique qui se développe sur une police, qu'elle soit fasciste ou communiste. le parallèle entre ces pouvoirs totalitaristes et extrémistes est aussi dérangeant que stupéfiant et effroyable; cette pérénnité du fanatisme idéologique criminel. Ce sont les mêmes méthodes d'oppressions, la même volonté de destruction identitaire, de condamnation culturelle, d'arrestations et de spoliations, les mêmes wagons à bestiaux, les mêmes camps de travail voués à l'extermination, le même sadisme, les mêmes horreurs perpétrées, la même négation de toute dignité humaine.

La force du récit est soutenue par l'alternance entre les chapitres relatant le voyage et les conditions de (sur)vie dans le " kolkhoze " avec les souvenirs - en italiques - qui surgissent en contraste de certaines scènes et qui peu à peu précisent la situation de la Lituanie d'avant-guerre autant que celle de la famille de l'héroïne. Une narration parfaitement gérée, aussi puissante que fluide, une lecture qui prend, un livre qu'on ne peut et veut pas poser, laisser reposer, avant d'en avoir tourné la dernière page. Les dernières lignes de la quatrième couverture sont trompeuses, on est bien au-delà de la romance qui tempère le propos. C'est toute une galerie de personnages, sans caricature au service des différents aspects historiques à développer, qui se déploie; un récit sans complaisance pour une description répétitive de cruautés mais sans concession; une Histoire humaine inhumaine à l'épilogue amer et qui pourtant appelle à l'espérance.

Ce roman, c'est aussi celui de l'art par lequel s'expriment la colère, la volonté et la liberté de vivre, de résister, de témoigner, de préserver les sentiments, l'humanité et l'identité reniés. de nombreuses références à la peinture de Munch ponctuent le récit. C'est son cri.

" Promenant le bout de mon index dans la poussière qui recouvrait le plancher, j'écrivis son nom. Munch. Je reconnaîtrais son style n'importe où, dans n'importe quel oeuvre. Et Papa reconnaîtrait le mien. Et il pourrait nous retrouver si je laissais derrière moi un sillage de dessins. "

L'art pour mémoire, pour espoir.

" Ce témoignage a été écrit pour laisser une trace ineffaçable et tenter l'impossible : parler dans un monde où nos voix ont été éteintes. "

A lire et faire lire.


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