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Critique de Fanchtok


Madame Schmidt, probablement la seule femme de ménage allemande de tout Paris, se réjouit de son unicité. Je la comprends. Seulement voilà, si l'enveloppe charnelle est unique, quoique évolutive, à l'intérieur ça se bouscule au portillon. À travers ces trente-trois nouvelles, c'est un peu ce qu'Anne Serre semble nous susurrer. Comme autant de prismes diffractant la psyché, chacune illustre nos multiples vies intérieures, secrètes, et dès lors l'étrangeté même des relations humaines.

Ces histoires - courtes nouvelles, si je ne craignais le pléonasme - respirent la malice. Parcourues d'embûches, parsemées de grains de sable ou de folie entrainant flottements et quiproquos, elles se révèlent mystérieuses, cocasses, comme évoluant dans un monde onirique. Ces rêves forment d'ailleurs la principale source d'inspiration d'une narratrice (C'est lorsque les gens racontent des choses qui ne ressemblent pas à des récits de rêves que cela m'ennuie), ou peut-être de l'auteure elle-même. Ainsi, Anne Serre s'amuse constamment à brouiller les pistes, en évoquant la littérature - avec au passage un bel hommage à Samuel Beckett - et offrant la mise en abîme de l'écrivaine au travail. Mais après tout, pourquoi faudrait-il toujours rétablir la vérité ? Et d'ailleurs, laquelle ? ajoute-t-elle immédiatement.

Cette galerie de personnages aux réactions parfois loufoques - madame Gandi est-elle ou non ma cousine Edwige Bouchard ? - m'évoque parfois les cas cliniques décrits par le neurologue Oliver Sacks. Nulle pathologie cérébrale ici, si ce n'est notre duplicité ordinaire, notre multiplicité ai-je envie de généraliser, de laquelle Anne Serre fait son miel. Son écriture fine et sensible lui permet d'aborder, avec grâce et humour, l'amour, l'amitié, la famille et le deuil. C'est d'ailleurs la mort qui lui inspire la merveille nouvelle " Papa est revenu ", ou l'éphémère retour du père dans le salon familial.

Ces tableaux sont autant de friandises d'humanité qu'il conviendra de déguster accompagnés d'une tasse de thé, noir mais sans amertume. Tout en élégance, elle saupoudre ses histoires d'une pincée de contrainte oulipienne, que je vous laisse découvrir. J'en ai déjà trop dit. Lisez cet automne Au coeur d'un été tout en or. Vous m'en direz des nouvelles.
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