Penser veut dire inventer. Tout le reste - citations, notes en bas de pages, index, références, copié-collé, bibliographie des sources, commentaires... - peut passer pour préparation, mais chute vite en répétition, plagiat et servitude. Imiter, d'abord, pour se former, rein là de déshonorant, il faut bien apprendre. Mieux vaut oublier ensuite cette férule, ce format pour, allégé, innover.
Penser trouve. Un penseur est un trouvère, un troubadour. Imiter répète, dont le réflexe revient. Découvrir n'arrive pas souvent. La pensée, la rareté.
Pourquoi, de même, réfèrons-nous le pouvoir au Louvre et l'éducation aux lycées? Parce que, depuis des millénaires, nous imitons le loup dans ses pratiques de politique et de pédagogie. La meute enseigne l'Etat et l'école. Après Tite-Live et le Panchatantra, qui eux-mêmes succédaient à des traditions non écrites, La Fontaine et Kipling continuent encore de le raconter.
Nous pensons désormais par troupes et troupeaux.
Aussi basculante, la claudication suppose une semblable tare de base : je me mis à penser parce que j'étais taré. Je pense pour compenser. Voilà le secret réel, profond, décisif de la pensée humaine et même de l'invention : nous nous mîmes à penser parce que nous sommes faibles de nature, d'espèce, d'origine, de genèse.
Nous produisîmes un savoir dont les objets nous produisirent.