« Chaque répétition du quatuor Maggiore commence par l’exécution très lente et à l’unisson d’une gamme toute simple sur 3 octaves […]. Aussi perturbée qu’ait été notre vie les jours précédents, aussi féroces que soient nos disputes à propos de gens ou de politiques, aussi viscéralement différentes nos idées sur le morceau au programme et sur son interprétation, cette procédure nous rappelle que nous ne formons qu’un. »
Les branches sont nues, le ciel, ce soir, d'un violet laiteux. Cet endroit n'est pas calme mais paisible. Le vent soulève et pousse vers moi les eaux noires.
Il n'y a personne. Les oiseaux se taisent. Les voitures tailladent Hyde Park. Mes oreilles ne perçoivent qu'un bruit mat.
Je tâte le banc mais ne m'assieds pas. Comme hier, comme avant-hier, j'attends que mes pensées aient disparu. Je regarde l'eau de la Serpentine.
(le début)
C'est un bien étrange phénomène, un quatuor, poursuit-il. Je ne sais pas à quoi le comparer. Un mariage ? Une entreprise ? Un peloton au feu ? Un sacerdoce égocentrique, autodestructeur ? Il est soumis à un tel mélange de tensions et de plaisirs.
Bon, mieux vaut avoir aimé et perdu, n'est ce pas Mrs Formby, que de ne pas avoir aimé du tout?
Perdre le contact - et la voix, l'odeur, le goût, la vue de l'autre. Il ne se passe pas une semaine sans que je pense à elle. Et cela après dix ans: une trace trop persistante dans la mémoire.
Je me tais. Je n'ai jamais osé l'espérer. Je remercie quelque chose, quelque part dans le noir, mais à elle je ne dis rien. Je ne renverse pas une seule goutte. Ma main ne tremble pas. A présent, je remplis mon propre verre et le lève - silencieux: à elle? à nous? à l'esprit de l'amour fugitif? Quoi que ce soit, elle hoche la tête, comme pour dire qu'elle comprend.
Maintenant nous sommes dans une bulle, et les autres sont une fiction que crée notre discours. Notre amour illicite nous emprisonne.
Je mets ma main sur l'épaule où ta tête a reposé. Et je prononce ton nom, une, deux, trois, quatre fois. Certaines nuits, je dors ainsi, avec ton souvenir; d'autres nuits, je ne m'endors que lorsque l'aube pointe.