Les travaux forcés étaient épouvantables. Je ne sais combien de soldats japonais sont morts autour de moi. Les souffrances dues à la faim, au froid rigoureux de l'hiver et même à la chaleur suffocante en été. Tout cela dépassait notre imagination. C'était déjà incroyable que je puisse revenir vivant au Japon. Ce seul fait aurait dû être suffisant et j'aurais dû apprécier pleinement mon sort en pensant aux autres qui ont crevés comme des chiens.
Aujourd'hui, Kôji me raconte l'histoire d'un homme qui est revenu de Sibérie dix ans après le fin de la guerre. C'était un policier militaire qui vivait en Mandchourie. A la fin de la guerre, il a été déporté en Sibérie, comme mon père. Puis il a été condamné à plus de vingt ans de travaux forcés, à Noril'sk. Lorsqu'il est enfin revenu au Japon, il avait déjà presque cinquante ans. il voulait reprendre un emploi comme policier, mais il a été refusé partout. Il est mort récemment après une longue dépression. Selon sa famille, il était très déçu de l’État pour lequel il s'était pourtant sacrifié pendant la guerre.
En marchant, je me souviens d'une conversation avec l'un de nos clients américains. Il m'avait dit, frustré : "Il n'y a pas de nom ni de numéros de rue. Comment fait-on pour se rendre à l'endroit qu'on cherche ?" Je lui ai répondu : "Demandez-le au poste de police ou bien au facteur du quartier. Ils connaissent les noms des résidents par cœur.