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Citations sur Chroniques de Mertvecgorod, tome 1 : Images de la fin.. (13)

L'odeur se charge de nitrate, de caoutchouc, de rouille, de soufre et d'autres trucs indéfinissables. Seul un œnologue de la crasse pourrait venir à bout de toutes ces nuances.
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Le chauffeur a remarqué la drôle de gueule que je tire. Il me sourit largement dans son rétroviseur sale.
— Bienvenue à Mertvecgorod ! Il monte le chauffage à fond et me propose un cigarillo – lui-même les enchaîne non-stop et je constaterai vite à quel point il s’agit ici d’une pratique courante : tout le monde, des gamins de onze piges aux vieillards en passant par les femmes enceintes, fume ces sticks poisseux dont l’odeur âcre agit comme un filtre contre la puanteur.
— Putain mais ils font comment, les gens, ici ?
— Ils s’habituent. Vous verrez, vous aussi vous vous habituerez. Y a deux records, ici : le nombre de clopes et le nombre de cancers par habitants.
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L'ignorance, contrairement à la vérité, n'empêchait pas d'être peinard.
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À Rome, fais comme les Romains - et à l'asile, comme les tarés.
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Venu écrire un long papier sur le cerveau de ce futur attentat, me voilà aux premières loges d’un scoop mondial et sur le point d’assister à un bain de sang programmé par un révolutionnaire mystique qu’on pourrait facilement qualifier de fasciste et qui veut secouer une fois pour toutes un pays gangrené par la violence, la criminalité, l’autoritarisme et une corruption endémique.
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Nous avons cru exprimer un message politique et concret mais tout ce que nous avons fait c'est des oeuvres d'art.
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- Vous comprenez, mon ami, lui a dit le superviseur, nous ne faisons pas ça par manque de confiance mais plutôt pour éviter de se poser la question. Pourquoi avoir confiance quand on peut être sûr ?
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Et j'avais compris une autre leçon : l'ignorance n'empêchait pas de contempler le ciel dépourvu d'étoiles, été comme hiver, et de s'en réjouir. Elle n'empêchait pas davantage de rentrer chez soi à pied rien que pour sentir la morsure coupante de l'air glacé, et se sentir vivant, et aimer ça. L'ignorance, contrairement à la vérité, n'empêchait pas d'être peinard.
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Ces matins-là je me tiens sur le seuil de l’énorme édifice désaffecté et transformé en squat. Son état d’abandon rend l’endroit propice à la rêverie. J’aime écouter le sifflement du vent, le brouhaha, les éclats de voix que l’écho transforme en stridences métalliques, les aboiements qui ravagent l’espace comme de soudaines tempêtes sonores, la pluie qui martèle l’immense structure organisée en deux niveaux séparés par une mezzanine qui abritait avant une galerie commerciale et sert maintenant de caisse de résonance. J’observe la vie qui y grouille. Les vieux toxicos et les bandes d’adolescents en fugue, efflanqués et le regard mauvais, les types louches en maraude ou en planque, les violeurs en série et les psychotiques luttant contre leurs pulsions, les femmes battues fuyant leur mari et qui font sonner les radars de tous les pervers du secteur. Il suffit d’un œil un peu exercé pour déterminer sans erreur qui appartient à quelle catégorie.
Je sais comment m’y déplacer pour ne pas attirer l’attention. De toute façon ici chacun vaque à ses propres affaires : se piquer à mort, suriner un type endormi pour lui faire les poches, violer une fille de quinze ans qui a fui la violence familiale ou simplement picoler en parlant tout seul. Ca ne regarde personne. Les chiens, presque aussi nombreux, paranoïaques et agressifs que les gens, veillent au grain. Ils s’assurent que nul ne pénètre l’espace vital. Chaque individu isolé, chaque couple, chaque famille, chaque grappe de gens m’apparaît comme une bulle de lumière grisâtre au milieu d’une obscurité épaisse et froide comme une galaxie morte. Éclairés par des braseros de fortune, des feux de palettes, des torches électriques ou des néons reliés à des groupes électrogènes pour les plus organisés, ils constituent des petits mondes impénétrables. Ici, contrairement à ce que pensait John Donne, il n’y a que des îles.
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À la sortie de l’aéroport international de Mertvecgorod je suis frappé par le spectacle des trafiquants : vendeurs de cigarettes de contrebande, dealers, rabatteurs d’hôtels, de taxis ou de bordels, putes, maquereaux et autres fournisseurs de chair fraîche, pickpockets, harceleurs divers et embrouilleurs de toutes sortes se succèdent sur les voyageurs tels les escouades d’insectes nécrophages (ainsi que les appellent les médecins légistes) sur une dépouille encore fraîche.
Comme la plupart des nouveaux arrivants je remarque ensuite le ciel, l’odeur et les drones. Le premier n’existe pas, masqué de couches noires, grises et marron qui bouchent la lumière et roulent comme de la suite. La deuxième, mélange de produits chimiques et de graisses industrielles, donne l’impression d’évoluer avec une benne à ordures renversée sur la tête. Quant aux troisièmes, il s’agit d’énormes engins de guerre rôdant au-dessus des passants avec la lenteur effrayante de requins, suffisamment bas pour qu’on distingue sur leurs flancs les logos des compagnies de sécurité : tête de loup hurlant, faucon toutes serres dehors, lion cabré, ours à la gueule sanglante, etc.
Grimaçant, ralenti par mon énorme sac à dos et ma valise remplie ras-la-gueule, je slalome entre les hommes d’affaires blasés et les zonards et m’engouffre dans un taxi.
– Le Nefrit, s’il vous plaît. Prospekt 215, numéro 33.
Prospekt veut dire « rue » ou « avenue », en russe. L’hôtel m’a été suggéré par l’aide de camp de Nikolaï.
– Vous parlez russe ? Putain, c’est rare. Z’avez pas l’air d’un touriste.
– Je suis journaliste.
– Ah. Un fouille-merde. M’étonne pas.
– Vous n’aimez pas les journalistes ?
– Chaque fois qu’un scribouillard se pointe chez nous c’est pour remuer le fond des chiottes, à croire que vous adorez ça, vous autres. Quand c’est pas le trafic de déchets c’est les meurtres de femmes et quand c’est pas ça c’est autre chose. De vrais charognards. C’est quoi votre truc à vous ?
– Nikolaï le Svatoj. Vous suivez ses vidéos ?
– Ça m’arrive. C’est pour lui que vous venez. Alors ça c’est pas banal, au moins.
L’aéroport se situe à une vingtaine de kilomètres de la ville. Plus nous approchons, plus l’aspect du ciel et la puanteur de l’air empirent. L’anthracite et le brun se veinent de kaki, d’ocre et d’orangé. Ce qui s’étale au-dessus de nos têtes ressemble à un lac d’hydrocarbures irisé de reflets graisseux et remué en profondeur par d’inquiétants remous. L’odeur se charge de nitrate, de caoutchouc, de rouille, de soufre et d’autres trucs indéfinissables. Seul un œnologue de la crasse pourrait venir à bout de toutes ces nuances. Le chauffeur a remarqué la drôle de gueule que je tire. Il me sourit largement dans son rétroviseur sale.
– Bienvenue à Mertvecgorod !
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