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Critique de ecceom


Le commissaire Maigret est amené à enquêter après la découverte d'un cadavre de femme à proximité de l'écluse de Dizy, près d'Epernay. Il va plonger dans l'univers des mariniers pour découvrir le coupable.

Le monde de la marine fluviale apparaît à plusieurs reprises dans l'oeuvre de Simenon. Il était lui même, un familier des canaux et des écluses qu'il parcourait à bord du Ginette, puis de l'Ostrogoth et c'est d'ailleurs au cours d'une de ses navigations que lui serait venue l'apparition de Maigret.

"Le charretier de la Providence"* fait partie des premiers Maigret et cela se ressent car ce roman tient avant tout par les qualités intrinsèques de l'écriture de Simenon.
Le style est déjà là : sobre et précis pour cette description d'un genre humain qu'il ne juge jamais, ce commissaire qui enquête sans génie, en tâtonnant, en déduisant et en se fiant à son inspiration.
Maigret est un besogneux, un flic de terrain, pas un détective fringant recherchant les couvertures de magasines : ce n'est pas un Maigret de canard.
L'ensemble baigne dans un univers qui semble avancer au ralenti.

Les mariniers évoluent dans une ambiance, lourde, triste, un paysage humide et brumeux. On pense à 'L'éclusier" de Jacques Brel où "c'est au printemps qu'on prend le temps de se noyer".
Autour des écluses, c'est aussi le croisement de deux mondes : celui des riches oisifs qui naviguent sur leur yacht entre deux séjours à Paris ou sur la Côte d'Azur (Sir Walter Lampson et son entourage vivant sur le "Southern Cross"), et celui des modestes mariniers, enchaînés à leurs péniches (Hortense, son mari et Jean le Charretier sur la "Providence").

Simenon ne prend pas partie. Il décrit, observe, comprend.
Mais il prend le soin de détailler les individualités de la jet-set qui naviguent à bord du yacht, tandis les petites gens n'existent guère par eux-mêmes, en dehors de leur péniche.
On connaît à peine leur identité et c'est incidemment qu'on apprend que la femme s'appelle Hortense (Simenon ne l'appelle que "la Bruxelloise", "la patronne de la péniche", ou "la marinière").
Ils sont des inadaptés en dehors du monde fluvial comme le montre cruellement l'épisode de leur visite à l'hôpital : ils s'endimanchent pour venir dans cet établissement où ils proposent maladroitement un pourboire aux médecins, comme ils ont l'habitude de faire avec les éclusiers.

Ce n'est sans doute pas un "Maigret" irréprochable. Comme souvent dans ses enquêtes, l'atmosphère prend le pas sur l'énigme, ce qui est rarement gênant. Mais ici, il faut reconnaître que l'intrigue est assez incroyablement sabotée, en premier lieu par le titre du roman qui tue le suspense dans l''oeuf, mais également par le déroulement de l'enquête qui désigne assez vite le coupable, au lecteur.
Autre petit reproche, la description des techniques de la marine fluviale est parfois un peu trop appuyée.
C'est bien connu, à la longue, les péniches peuvent lasser.

Avec ce roman, Simenon dessine un paysage de canaux létaux qu'on ne placera pas forcément en tête de gondole, mais à ce niveau de littérature, ça reste évidemment recommandable.

*La "Providence"...bien entendu, le nom du bateau est allégorique, un peu comme "Les sentiers de la perdition"/ "Road to Perdition" .
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