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Critique de Polars_urbains


Dernier roman « américain » de Simenon, Maigret et le corps sans tête raconte l'enquête toute en finesse d'un policier qui ne dispose d'aucun début de preuves après qu'un corps démembré ait été repêché dans le canal Saint-Martin et qui va donc devoir se contenter de son intime conviction. Une enquête qui va conduire Maigret à avoir de longues conversations (ou plutôt des bribes de conversation) avec la patronne d'un bistrot quai de Valmy, une femme distante, souvent agressive, qui s'adonne à la boisson et se donne à tout un chacun, avec le désir de choquer et de rejeter les avantages matériels que lui a donnés sa naissance.
« A cause de la boisson, elle vivait dans un monde à part et n'avait que des contacts indifférents avec la réalité. »
Aline Calas est un des personnages féminins les plus achevés de l'oeuvre de Simenon. La personnalité énigmatique de cette femme secrète et taiseuse, dont le mari pourrait bien être l'inconnu dont le corps a été repêché dans le canal, suscite immédiatement l'intérêt de Maigret et va le conduire à avoir une relation particulière avec elle ; peut-on aller jusqu'à parler d'emprise - « Ce qui ne se rapportait pas directement à elle n'intéressait que médiocrement le commissaire. » - comme même Madame Maigret finira par le penser ?

Dans le bistrot qu'elle tient quai de Valmy avec son mari disparu, Maigret va quasiment s'installer (« Il restait seul dans le petit café comme s'il en était le propriétaire, et l'idée l'amusa tellement qu'il se glissa derrière le comptoir ») et procéder par petites touches pour arracher à Aline les éléments qui l'éclaireront sur sa vie et amènera Simenon à rappeler que Maigret, à défaut de raccommoder les corps (jeune homme, il a dû abandonner ses études de médecine), se voit comme « un raccommodeur de destinées ». Cette complicité – « Elle aussi comprenait le commissaire. C'était comme s'ils avaient été tous les deux de la même force, plus exactement comme s'ils possédaient l'un et l'autre la même expérience de la vie. » – va l'amener à cerner la véritable personnalité d'Aline, bien avant que maître Canonge, le notaire du village dont elle est originaire, vienne apporter, Deus ex machina, les éléments manquants.

Grand roman, Maigret et le corps sans tête est l'histoire du déclassement volontaire et systématique d'une femme qui refuse sa condition première et se révolte contre son milieu familial pour vivre ce qu'elle pense être sa vraie vie ; une vie qui va se résumer pendant plus de vingt ans à une existence sombre et solitaire qui, finalement, la satisfait. Et quand un événement imprévu vient mettre en péril cette existence, le pire se produit.

« Il savait exactement à quel point elle était descendue. Ce qu'il ignorait encore, c'est d'où elle tait partie pour en arriver là. Répondrait-elle avec la même sincérité aux questions sur son passé ? »

Cela étant, on trouvera dans le roman des thèmes ou des lieux chers à Maigret comme le monde des mariniers avec la péniche Les deux frères (on retrouve le même nom en flamand dans Maigret et les témoins récalcitrants) qui découvrent une partie du corps, et bien sûr le Canal Saint-Martin, quartier encore populaire à l'époque de l'enquête, fréquenté par les artisans, les mariniers attendant l'écluse, les infirmiers de l'hôpital Saint-Louis tout proche et quelques filles (la nuit).

Les gares parisiennes, très présentes dans l'oeuvre de Simenon, jouent aussi leur rôle : la gare de l'Est d'abord puisque que c'est à sa consigne qu'a été déposée la valise d'Omer Calas. Mais aussi la gare d'Orsay près de laquelle maître Canonge a son hôtel), la gare Montparnasse (point de départ des trains pour Poitiers où Omar Callas est censé se rendre) et la gare d'Austerlitz (où arrive le train de maître Canonge).

Lien : http://www.polarsurbains.com..
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