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Critique de Woland


"Maigret Tend Un Piège" m'a captivée. Je l'ai lu tout d'une traite mais il faut bien avouer que j'ai un faible pour les histoires de tueurs en série. Or, ainsi que nous le disait Eustrabirbéonne dans un post que je n'ai malheureusement pas retrouvé, "Maigret Tend Un Piège" est le seul volume de la série, en tous cas jusqu'ici, où Simenon se soit mis en tête de traiter le cas de ces assassins très spéciaux.

Cinq meurtres. Toutes des femmes, petites et rondes. Dans le même quartier, le XVIIIème arrondissement parisien, territoire de l'inspecteur Lognon. Toutes ont été tuées à l'arme blanche mais aucune trace de viol. Rien que les vêtements et les sous-vêtements lacérés sauvagement. La Police piétine et Maigret se sent très mal à l'aise, voire carrément impuissant. Lors d'une soirée chez son ami, le Dr Pardon, il rencontre le Pr Tissot, qui s'occupe des internés à Sainte-Anne, et à l'issue d'un long et passionnant entretien, prend la décision de "provoquer" l'assassin en organisant le faux interrogatoire d'un faux suspect, tout cela aux yeux de toute la presse qui, fidèle à elle-même et sans que Maigret confirme à un seul journaliste qu'il est dans le vrai en en déduisant que l'on a coincé le tueur, s'en va immédiatement claironner la nouvelle dans tout Paris.

L'attribution de ce qu'il peut considérer comme "ses" exploits va-t-elle faire bouger l'assassin et, surtout, lui faire commettre un faux pas ?

Avec toute la discrétion possible, un gigantesque filet est tendu dans le quartier où opère le tueur. Auxiliaires féminines, inspecteurs avec leurs femmes débarquant dans les meublés pour jouer les touristes, flics en civil et invisibles, voitures banalisées et vigilantes, tout le monde est sur le pied de guerre. Et ça marche. Ou presque. le meurtrier s'attaque à une auxiliaire féminine mais parvient à lui échapper. La jeune femme a cependant réussi à arracher un bouton de son veston et c'est grâce à ce bien maigre indice que Moers, toujours fidèle au poste, va remonter la piste. Des noms apparaissent et, une fois les alibis confirmés, il ne reste plus qu'une seule possibilité.

Seulement voilà, le meurtrier refuse de s'expliquer, refuse d'avouer. Il sait bien que le dossier de Maigret, reposant sur un bouton, est plutôt maigre et que, même s'il le récupère, l'ineffable juge Coméliau va faire la grimace ... En outre, l'homme est-il à peine inculpé que, coup de théâtre, un nouveau crime s'accomplit. Toujours dans le XVIIIème et avec le même mode opératoire. Une petite bonne de dix-neuf ans, qui revenait du bal dans une jolie robe de tulle bleu, et qui se retrouve lardée de coups de couteau et allongée, sans vie, sur le pavé parisien.

C'est Lognon - un Lognon un peu allégé dans cet épisode car, sa femme étant en cure, il se sent plus "joyeux" et ose arborer chapeau de paille et même cravate rouge - qui appelle Maigret chez lui à minuit dix pour le prévenir. Aussitôt, le commissaire est sur les lieux. le découragement le prend et puis ...

Et puis, fidèle à lui-même, Maigret, tel un pachyderme furieux, s'apprête à foncer sur les personnes qu'il soupçonne - à bon droit - d'avoir voulu "sauver" un tueur froid et sans âme. La charge est brutale et les aveux, presque immédiats. Pour le "sauveur" en question, cet aveu est, il est vrai, la victoire ultime remporté sur l'autre "sauveur" éventuel, lequel, malgré tout l'amour qu'il porte à l'assassin, n'a pas osé aller jusqu'à voler une vie innocente.

L'analyse psychologique traite évidemment avant tout du caractère de l'assassin mais ne présente que le point de vue de Maigret, lequel flaire, devine mais n'obtient rien en retour. L'auteur ne se risque pas à des hypothèses trop hasardeuses. Mais il se montre plus assuré en ce qui concerne la personnalité des "sauveurs." de tels personnages existent, tout le monde le sait, bien que personne ne le comprenne très bien, des êtres capables de sauver un tueur fou tout en sachant qu'il est fou et en acceptant même de vivre à ses côtés.

Reste une question essentielle : le tueur aurait-il tué sans l'omniprésence, dans sa vie, et cela depuis l'enfance, de ses "sauveurs" ?

Simenon ne nous donne aucune réponse. Mais la psychiatrie actuelle ferait-elle mieux ?

"Maigret Tend Un Piège" est l'un des meilleurs de la série. Ne le manquez pas, surtout si vous vous intéressez à l'énigme que posent ces tueurs qu'on appelle "en série." D'autant que Simenon s'est bien renseigné, on le sent bien, avant d'écrire son livre, lequel est noir mais criant de vérité. ;o)
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