AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Woland


Woland
26 septembre 2014
Ce n'est pas la première fois que je m'attaque à cette enquête qui expédie Maigret en Hollande parce qu'un ressortissant français est mêlé à l'affaire. Et, tout comme lors de ma première lecture - pourtant bien éloignée dans le temps - je n'ai pas réussi à adhérer comme je l'ai fait, entre autres, au "Chien Jaune" ou à "Monsieur Gallet, Décédé." Pourquoi ? Toujours aussi difficile d'en analyser les raisons. le dépaysement ? Non ... Ou plutôt si. Parce que, justement, il n'y a pas dépaysement et je ne suis pas parvenue à "voir" la Hollande décrite par Simenon. Pour une fois, le décor m'a manqué. Il faut cependant préciser que Simenon met très tôt son lecteur en garde en lui précisant que Maigret est dans le même cas, lui qui a bien du mal à reconnaître, en cette ville du nord du pays, la Hollande propre aux cartes postales.

On devine aussi un peu vite l'identité du coupable mais cela n'est pas très grave : tous les lecteurs de l'écrivain belge vous diront que ce n'est pas forcément le nom de l'assassin qu'ils cherchent à connaître dans les aventures du commissaire Maigret. Non, l'important, ce que l'on veut avant tout, c'est une explication qui tienne la route, avec ces annotations psychologiques délicates, uniques, parfois incongrues, parfois triviales, parfois poétiques et qui font, précisément, qu'on se sent bien à sa place, solidement ancré dans un roman de Simenon.

Dans "Un Crime en Hollande", côté personnages, vient d'abord l'assassiné, Conrad Popinga. Ancien officier de la marine marchande, jouisseur et joyeux drille, coureur fini à qui sa femme pardonnait tout et, de l'avis de tous, un brave homme. Sa femme, Liesbeth, née van Elst, l'une des créations féminines les plus dignes et les plus touchantes de Simenon. La soeur de Liesbeth, Any, laide, tout le monde le dit, tout le monde le clame, mais femme tout de même, détail à ne pas oublier - il a son importance. Beetje Liewens, dernière maîtresse en date du défunt, une jeunesse de dix-huit printemps, dans les starting-blocks depuis un certain temps déjà pour s'élancer et abandonner, loin, bien loin derrière elle la Hollande et la vie de fermière qui lui est promise. Son père, M. Liewens, qui ne parle absolument pas français, un homme rude, "à l'ancienne", dur certes mais qui aime suffisamment sa fille pour se ronger à l'idée qu'elle puisse être la coupable. Cornelius Barens, un tout jeune aspirant, lui aussi amoureux de Beetje mais dont l'amour très sage n'intéresse guère cette dernière. Oostings, dit "Le Baes", mi-éleveur, mi-marin, qui va, rôde et connaît Delfzijl, la ville où se déroule l'action, comme sa poche - une pointure respectée du pays. Sans oublier l'homme qui a exigé du Consulat de France l'entrée en scène d'un policier du Quai des Orfèvres, Jean Duclos, universitaire et conférencier spécialisé dans la ... criminologie.

Côté intrigue : la mort d'un homme qui, de l'avis général et malgré ses défauts, n'avait pas d'ennemis. Banal, me direz-vous : on dit toujours ça des morts. Non, pas toujours. Mais au sujet de Conrad Popinga, c'est peut-être vrai, qui sait ? ... Avec ça, la casquette du Baes retrouvée dans la baignoire, la nuit du crime, chez les Popinga, et un curieux et puant mégot de cigare dont l'inspecteur hollandais en charge de l'enquête, Pijpekamp, ne sait trop que faire car, même si le Baes fume bien le cigare, il n'achète jamais cette marque-là ... Et puis toute une correspondance passionnée, découverte par le père Liewens, dans la chambre de sa fille, et où Popinga avait l'imprudence de lui promettre de s'enfuir avec elle. Et puis tous ces Bataves, aimables, hospitaliers et en même temps vaguement hostiles, dont certains comprennent le français mais ne le parlent pas sans oublier ceux qui le comprennent et le parlent mais n'entendent s'exprimer que dans leur langue maternelle.

Armé de sa pipe et de son chapeau melon, énorme et plus bougon que jamais, cogitant intensément tout en prenant un malin plaisir à se faire passer pour un imbécile aux yeux de ceux qui ne jugent que sur les apparences, Maigret va, vient, hume l'air des canaux, rêve aux tulipes de la Tradition, reconstitue le drame dans sa tête avant d'ordonner une reconstitution en bonne et due forme, permettant ainsi au lecteur d'éliminer un à un les suspects possibles. A la fin, triomphant presque et fortement embêté, il nous met devant le fait accompli : personne n'a eu le temps ni l'opportunité matérielle de tuer Conrad Popinga.

Et pourtant, Conrad est mort ... Et c'est bien l'idée de révéler l'identité du coupable qui embête tant Maigret. Parce qu'il y a un coupable. Evidemment. Un coupable qu'on aimerait bien ne pas accuser mais ... Maigret ne peut pas toujours agir comme dans "Le Pendu de Saint-Pholien."

En dépit des quelques réserves émises dans cette fiche, je relirai volontiers ce "Crime en Hollande" lorsque le temps en sera venu. On est "accro" à Simenon ou on ne l'est pas. Pas vrai ? ;o)
Commenter  J’apprécie          160



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}