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Critique de Tempsdelecture


Après Christian Hans Andersen, voilà un autre homme de lettres en prise à une mort tragique et mystérieuse, l'américainHenry James. La résolution d'enquête ne faisant pas partie de son champs d'action, encore moins d'intérêt, autant dans le domaine littéraire que dans la vie quotidienne, Henry James est ainsi accompagné d'un détective, et pas des moindres. le très britannique Sherlock Holmes: Dan Simmons a choisi deux mythes aux antipodes l'un de l'autre, l'un de la littérature classique nord-américaine, l'autre de la littérature policière anglaise, et surtout, totalement fictif. C'est l'improbable rencontre de deux personnalités différentes, l'un artiste, l'autre scientifique, un Henry James qui fait office d'un Watson amélioré. J'ai lu quelques romans de Conan Doyle il y a très trop longtemps et donc mes souvenirs se sont émoussés avec le temps. Ma seule référence en matière de Sherlock Holmes présentement est la série incroyable de la BBC, qui nous présente un duo extraordinaire, un Moriarty qui l'est tout autant, modelé sur un XXIe impitoyable. Et je n'ai donc pas eu l'occasion non plus de me plonger dans l'oeuvre d'Henry James. J'ai commencé ma lecture avec, ainsi, peu d'idées préconçues.

Depuis Londres jusqu'à Washington, entre bateaux de croisière et trains, c'est une enquête policière, mouvementée, qui va ramener l'homme de lettres à bout de souffle, esquinté par les succès trop modestes de ses oeuvres. Un épais roman aux goûts anglais et américain, qui nous entraîne au sein de la haute bourgeoisie, pénétrée par l'âme mélancolique, accablée, d'un Joyce qui atteint péniblement la cinquantaine, et l'esprit vif, en constante surchauffe et inquisiteur d'un curieux détective, qui pourtant n'a de vie que celle que lui donne Conan Doyle.

Dan Simmons a composé là un couple assez mal assorti ou le détective ne cesse de d'agacer son compagnon de voyage, de mettre sa patience à l'épreuve, le faire sortir de sa zone de confort, et de ses bornes. On ne peut pas dire que la cohabitation, tant qu'elle se fait, est harmonieuse: les manières du détective anglais qui bouleversent les petites habitudes de ses semblables, ne collent pas au caractère introverti et quelque peu rigide de l'écrivain. J'ai apprécié ce Sherlock Holmes somme toute assez mesuré qui finalement semble bien respecter l'original: brillant, malin, peu au fait des convenances et des relations sociales, un côté misanthrope, solitaire, avec juste ce fond d'humanité nécessaire pour ne devenir un personnage antipathique. Dan Simmons ne se contente pas seulement d'insérer le personnage mais il reste fidèle à ce qui représente son univers, Mycroft Holmes, Moriarty, Mme Hudson, Irene Adler, même si la plupart n'y font qu'un très vague passage. En revanche, l'intrigue est très judicieusement agencée par l'histoire ce duo, au caractère fictif, dont se joue allégrement Dan Simmons de manière répétitive. Intégrer simultanément un personnage d'envergure historique au niveau littéraire et un personnage totalement inventé, voilà le véritable point fort de ce roman. James dont l'oeuvre est totalement ancrée dans le réalisme littéraire se retrouve face à une figure qu'il n'imaginait que romanesque. Comment replacer alors Arthur Conan Doyle dans ce monde ou son personnage prend vie, est-il un imposteur, un mythomane, le doute est définitivement installé.

L'intrigue se laisse lire avec plaisir, cela est non seulement dû à la présence du britannique Holmes et de son compagnon de route, qui joue parfaitement le rôle de l'écrivain tourmenté, l'américain James. Mais aussi par ces parfums de mystère qui entourent des morts suspectes, des complots qui se fomentent, des rivalités impitoyables, des amours obscurs et impossibles, tout cela sur fond de vaudeville bourgeois. Et puis un dénouement ouvert, qui laisse place à une suite éventuelle (mais je viens de m'apercevoir que le roman a été publié en 2015 et qu'a priori il n'y a pas eu de suite), dans un terrible combat que personne ne peut vraiment se vanter d'avoir gagné.

On peut tout de même déplorer quelques longueurs parmi ces six cents pages, l'intrigue tend à s'enliser par moments entre les scènes des différents personnages secondaires du roman. Toujours est-il que j'ai apprécié ce duo impossible et que j'ai très envie de me plonger dans l'oeuvre d'Henri James, que notre auteur américain a eu à coeur, et il a d'ailleurs vraiment réussi, à mettre au centre de l'histoire ainsi que les différents titres de romans, nouvelles et pièces de théâtre qu'il a à son actif. Même si l'homme en lui-même parait un peu sinistre, à mon goût, enveloppé d'une tristesse infinie, par le manque de récompense de ses efforts, par ses proches qui ne cessent de disparaître les uns après les autres, l'auteur qu'il était, aujourd'hui reconnu, est dépeint comme un artiste plein de talent et très prolifique. L'auteur a su aborder le petit monde littéraire américain de cette fin de siècle d'une modernité qui s'annonce autour de James avec Mark Twain et d'autres. Il y instille même les critiques émises sur son oeuvre, par le biais de cette petite société américaine aisée, accumulant reproches et compliments.

C'est un roman policier assez ingénieux, malgré sa longueur, qui joue constamment avec les limites de la fiction de la réalité. L'auteur s'éloigne un peu des codes habituels du polar et a pris le risque de reprendre une figure littéraire déjà archi-connue et de mettre en fiction l'un des plus grands auteurs américains. L'idée est originale, plaisante, et aboutie.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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