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Critique de kielosa



Pratiquement 3 décennies après la disparition du grand Nobel en Yiddish, la maison d'édition Stock nous surprend agréablement avec l'édition d'un roman inédit. Un conte que Isaac Bashevis Singer a écrit fin 1967 - début 1968, comme feuilleton pour un journal yiddish de New York "Forverts" ou 'En avant'.

Je crois qu'il est superflu de présenter ce grand auteur, né en Pologne en 1902, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Varsovie, comme Yitskhok Zynger, et qui est décédé près de Miami aux États-Unis en 1991, à l'âge de 88 ans. Je rappelle qu'il est issu d'une famille hautement littéraire avec une soeur aînée écrivaine, Esther Kreitman (1891-1954), et un frère auteur, Israel Joshua Singer (1893-1944).

Ce cher Isaac est un de mes écrivains favoris et appartient à cette crème de la crème d'auteurs de qui je lis systématiquement tout. Or, il faut que j'admette que cet ouvrage m'a plutôt déçu. Peut-être que j'ai été tout simplement trop exigeant dans mes attentes ?

J'ai l'impression, et je peux donc me tromper, que l'auteur a été sous pression de remettre au journal les 12 épisodes de son feuilleton à dates fixes, probablement à un moment où son intérêt était déjà ailleurs, par exemple à la rédaction d'un de ses meilleurs, "Le Manoir" qui est paru en 1967. Les 12 épisodes du feuilleton correspondent aux 12 chapitres, de longueur comparable, du livre, qui compte 408 pages, suivi d'un glossaire du Yiddish de 4 pages.

La situation de l'histoire du charlatan dans le temps est naturellement cruciale. L'histoire commence après que Hitler a envahi la Pologne, mais n'a pas encore lancé la fameuse Opération Barbarbarossa contre l'Union soviétique. Soit entre septembre 1939 et juin 1941. Elle est placée essentiellement à New York, le long de l'axe célèbre de Broadway à Manhattan.

Nous faisons connaissance avec Morris (avant Moshe) Calisher, originaire de Pologne, qui s'est aventuré dans la métropole américaine dans l'immobilier. Un peu comme Fred Trump, le père du guignol, mais avec moins de succès.
Sa première épouse est décédée avant son arrivée en Amérique et son fils Leon fait des études d'ingénieur en Suisse. Il a aussi une fille de 22 ans, Fania qui se fait appeler "Fanny", et qui a son origine juive en horreur, au point de devenir presque antisémite.

Morris s'est remarié avec Minna, "de taille moyenne, le corps généreux. Elle coiffait ses cheveux noirs en chignon et portait de longues boucles d'oreilles". Elle savait un peu l'Hébreu et écrivait des poèmes en Yiddish, que tous les éditeurs avaient, jusqu'à nouvel ordre, refusé.

La place de Minna est centrale dans le drame qui va se développer, car elle est la maîtresse d'Hertz Minsker, le 2e personnage principal et le "charlatan" du titre de l'ouvrage.

Hertz a une épouse Bronia, qui est une véritable beauté, nettement plus belle que Minna, mais qu'il trompe comme coureur de jupons invétéré quasi systématiquement. Hertz est un grand intellectuel dans la tradition mystique juive de la "kabbale", qui connaît l'oeuvre de ses coreligionnaires Spinoza et Freud, mais qui ne travaille pas. Cela va faire une éternité qu'il a commencé un ouvrage philosophique, sans jamais s'y mettre pour le terminer. Entretemps, il vit aux crochets de son pote, qu'il appelle affectueusement "Moishele" (diminutif de Moshe).

Et c'est cela qui me déplaît. Encore un peu et ces histoires de liaisons et tromperies pourraient faire l'objet d'un vaudeville ! Et Isaac Bashevis Singer peut faire nettement mieux.

Pour compléter ce tableau digne d'une pièce de boulevard, il y a le dénommé Zygmunt Krimsky (quel nom merveilleux) qui se pointe avec sa compagne blonde Pepi. Ce Ziggy est l'ex-mari de Minna, il trimballe une collection d'oeuvres d'art dont l'origine n'est pas très "cachère" et est arrivé de Casablanca sans le sou. C'est à Minna qu'il demande une petite avance en dollars en attendant de vendre des choses à..... Morris !

Je vous laisse découvrir le dénouement de ces affaires sentimentales relativement compliquées, en précisant, toutefois, que le brio avec lequel le Nobel décrit le dépaysement de ces réfugiés de Lublin, Pilsen et même de Varsovie dans cette énorme et hypermoderne mégalopole du nouveau monde est du pur Singer, dans son double art d'observation et de la formulation.

Pour notre "charlatan" Hertz Minsker par exemple l'Amérique est "dépourvu du charme qui rend la vie supportable". Ce pays "souffrait d'une sorte de scorbut spirituel".
Un enseignant raconte à Hertz qu'un jour pendant la leçon de religion un petit Américain lui avait demandé "si Moïse était salarié ou s'il avait sa propre boîte ?"
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