AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La vie brève de Jan Palach (5)

Ce 17 janvier, alors qu’elle se trouve dans un tramway qui la mène à la cité universitaire où loge son fils, les yeux de sa mère Libuše Palach se posent par hasard sur un titre du Práce Daily, un quotidien que lit un homme assis sur la banquette en face d’elle, et c’est ainsi, de cette effroyable manière, qu’elle découvre la nouvelle que personne n’a jusqu’alors pu lui révéler. Ce jour-là, le feu ne ravage pas seulement le corps de Palach, il détruit aussi une famille entière qui va devoir, d’une manière ou d’une autre, vivre avec ça – en admettant que cela soit possible. Je crois que cette scène, dans la pourtant admirable série Sacrifice, est loin du compte, qu’elle ne parvient pas à retranscrire cette infime seconde où tout bascule. Il y a ce moment ultime où Libuše, que son fils Jiří n’est pas parvenu à joindre, va bien, respire, sourit, elle sait qu’elle part rejoindre son petit garçon, se balader avec lui dans les rues de Prague, lui offrir un "trdelník" à une terrasse de café, profiter du ciel aussi bleu que la veille, acheter un petit souvenir, une babiole, un foulard, n’importe quoi. Et l’instant d’après, le temps d’un battement de cœur, d’un clignement de paupière, du tic-tac d’une pendule, comme ça, sans sommation, c’est la chute, le néant, l’inconnu, plus rien de tout ça, c’est fini. Il n’y aura plus jamais de terrasse, plus jamais de balade, plus jamais de "trdelník", de foulard, de babiole, plus jamais de ciel bleu, plus jamais de petit garçon, tout a disparu.
Commenter  J’apprécie          20
Jan Palach n'était pas un malade ni un suicidaire, il ne voulait pas mourir. Il voulait réveiller les gens.
Commenter  J’apprécie          20
Comme un éclair, la Torche numéro une, ce tableau de Rubens, cette vision cauchemardesque et sublime d’un corps qui se disloque, noyé dans des flammes immenses, vient de se mettre en route et d’illuminer le musée vers lequel tous les regards se tournent, horrifiés, fascinés, éblouis, et je ne peux m’empêcher de penser qu’aujourd’hui on filmerait ça d’un téléphone portable.
Commenter  J’apprécie          20
Pour le moment, il est 14 h 30, nous sommes le 16, et personne ne remarque cet étudiant qui ôte son blouson et le pose sur la balustrade près de la fontaine, ce jeune homme qui ouvre une bouteille d’éther, un anesthésiant puissant mais aussi hautement inflammable qu’il se verse sur le visage, puis qui asperge son corps avec l’essence contenue dans les deux récipients en plastique qu’il laisse ensuite tomber à ses pieds. Ça va très vite, quelques secondes tout au plus, pas suffisamment en tout cas pour que l’on comprenne ce qu’il s’apprête à faire et qu’on cherche à l’arrêter. Les gestes sont simples, organisés, déroulés selon un scénario préparé à l’avance et répété des centaines de fois dans l’esprit du jeune homme. Alors qu’un tramway approche au pas, qu’un employé de Fiat discute au téléphone depuis sa fenêtre, qu’une ambulance du ministère de l’Intérieur grille un feu rouge deux kilomètres plus loin, qu’une infirmière commence son service, que Dubček se bat contre une sale grippe, que sa mère prépare son petit sac pour le lendemain, qu’Helena pense à cette demande en mariage qui tombera bien un jour, elle le sait, Jan a promis – là, précisément, à cet instant, ce même Jan sort une allumette, contemple une dernière fois, pour se donner du courage, la place encore meurtrie par les combats de l’été précédent, lève les yeux vers la statue de saint Venceslas, adresse une prière à un dieu auquel il n’est pas certain de croire, ou, plus simplement, ne se donne pas le temps de réfléchir et l’allume sans la moindre hésitation.
Commenter  J’apprécie          10
« Peu à peu, le pays se met à ressembler à un redondant volcan soumis à une pression constante venue des profondeurs et alimentée surtout par la presse », écrit plus tard Zdeněk Mlynář, le secrétaire du comité central du PCT. Leonid Brejnev, agacé par ce Socialisme au visage humain, aurait même déclaré : « Parce que notre socialisme est inhumain, peut-être ?! », avant de conclure par le célèbre « Eto wasche djelo » (« Ce sont vos affaires »). Il est marrant, lui. En URSS, les intellectuels ont cette devise : « Ne pense pas. Si tu penses, ne dis rien. Si tu parles, n’écris rien. Si tu écris, ne signe rien. Et si tu signes, ne t’étonne plus de rien. » Alors ce visage humain, mon pauvre Leonid, celui de la démocratisation, il faudra vraiment que ton copain Castro nous dise ce qu’il met dans les cigares qu’il te rapporte de Cuba, si tu crois t’en approcher. La libéralisation politique. La fin de la censure. La liberté de la presse. La liberté de création. Le droit d’association. Un socialisme sans mensonge ni contrainte, Leonid. C’est un bouillonnement social qui frappe le pays. Un renouveau encore impensable un an plus tôt, une éclosion et un envol après une période de pesanteur. Kundera, Havel, le cinéaste Miloš Forman, l’écrivain Ludvík Vaculík, le compositeur Jiří Suchý, tous, exultent, filment, racontent. Avec la suppression de la censure au mois de mars, la politique envahit progressivement les rues, les cafés, les usines, les universités, on passe la majeure partie du temps à organiser des réunions politiques, à discuter de réformes. C’est, pour reprendre la formule d’Andreï Gratchev, porte-parole de Gorbatchev vingt ans plus tard, « Woodstock en territoire socialiste : les beatniks sur la place de l’hôtel de ville, le soleil, des délégations venues de tous les coins du monde, un bouillonnement de pensée permanent ». Ça s’engueule, ça bavarde, ça négocie des accords, ça conteste les arguments des autres, ça se traite de « sale bolchevik », mais tous, « ivres du printemps », ont la même confiance en l’avenir et chaque nouvelle victoire contre le régime les conforte dans l’idée qu’ils sont près d’atteindre leur but.
Commenter  J’apprécie          10




    Lecteurs (23) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Oscar et la dame en rose, de Eric-Emmanuel Schmitt

    Quelle est la particularité de ce roman ?

    c’est un roman autobiographique
    c’est un témoignage
    c’est un roman épistolaire

    10 questions
    1211 lecteurs ont répondu
    Thème : Oscar et la dame rose de Eric-Emmanuel SchmittCréer un quiz sur ce livre

    {* *}