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Critique de Pecosa


Pecosa
02 septembre 2022
Sadorski, tu veux que je te dise, t'es le plus grand dégueulasse que... que... que le polar français ait jamais porté ! 

Voilà, c'est fini. Six années, six romans, et Romain Slocombe achève les deux cycles qu'il a consacrés à l'Inspecteur des Brigades Spéciales Léon Sadorski, La Trilogie des Collabos et La Trilogie de la Guerre Civile.
L'Epuration s'abat sur l'inspecteur, mais ce dernier a plus de vies qu'un chat et plus de résistance qu'un cafard. Alors qu'en cette fin d'été 1944, gaullistes et communistes se tirent la bourre pour prendre le pouvoir dans la capitale tout juste libérée, Sadorski fait ce qu'il maitrise le mieux, observer, jauger, mentir, tricher, dénoncer pour sauver sa peau qui ne vaut pas tripette face à une population assoiffée de vengeance. La peur lui donne des ailes, et il n'a qu'une obsession, sortir de prison afin de retrouver Julie, disparue, embarquée par les nazis durant les combats boulevard Voltaire, et son épouse Yvette, dénoncée par des voisins, tondue, dénudée et tabassée par la foule.

Inutile de s'attendre à une grande célébration de la Résistance et de l'union nationale avec Marseillaise et actes héroïques Bleu Blanc Rouge de la part de Slocombe, la Libération et surtout l'Epuration se déroulent en quasi huis clos, dans les centre de détention pour collaborateurs gérés par les F.T.P. et plus particulièrement au sein de l'Institut d'hygiène dentaire et de stomatologie, qui fut réquisitionné par les FFI, (souvent "FFS", Forces Françaises de Septembre (!)) et que le philosophe et collaborateur René Château a qualifié dans son livre L'Âge de Caïn, de lieu d'épuration sauvage. Cette description aigüe et pesante de guerre d'arrière-cuisine nous rappelle l'excellent (et meilleur Slocombe pour moi) Avis à mon exécuteur. Car c'est dans ces centres que Sadorski va goûter au dixième de ce qu'il a fait subir à des femmes et à des hommes souvent très jeunes durant les années de Collaboration.

J'étais le collabo Sadorski est le sombre récit d'une Libération qui n'a rien d'éclatant, de prometteur et de réconfortant. Slocombe dresse plutôt un tableau des luttes idéologiques et de quêtes de pouvoir qui préfigurent la Guerre Froide. C'est la France de l'injustice, de l'arbitraire et du hasard. le lecteur songe à tous les innocents torturés, déportés, exécutés que l'on a rencontrés au fil des pages, et constate avec amertume que ce sont toujours les mêmes qui s'en tirent, à un cheveu près ou avec les honneurs. C'est peur-être pour ça que certains passages sont répugnants à lire.

Quoiqu'il en soit, merci à Romain Slocombe d'avoir donné vie à un salaud pas si ordinaire, et d'avoir restitué avec autant de maestria le quotidien de ces années sombres. Pour Simenon, si un personnage de roman, c'est n'importe qui dans la rue, c'est un homme, une femme quelconque, LE personnage de roman, lui, ira jusqu'au maximum de lui-même. C'est ce que fait Sadorski, plus encore dans ce dernier opus, et c'est la raison pour laquelle il restera comme un des grands personnages du roman noir français.
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