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Critique de karmax211


Une "pièce" littéraire de plus dans le "puzzle" qu'est l'ambition de l'auteur d'écrire "le grand roman noir national"... entendez l'histoire de cette France d'avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale.
Lorsque j'emploie les mots "pièce' et "puzzle", c'est naturellement à dessein.
Car comment Slocombe a-t-il jusqu'à présent agencé son projet en cours de finalisation ( ?) ?
Il l'a d'abord initié, et c'est un peu déroutant, avec sa, si j'ose dire, "première pièce" ( du puzzle ) que fut en 2011 le roman primé ( Prix Nice-Baie-des-Anges ) et même pressenti pour le Goncourt - Monsieur le Commandant -... une histoire sur cette France occupée dans laquelle, la délation, les corbeaux, les lettres anonymes garnissaient les sacs des facteurs et s'amoncelaient sur les bureaux des multiples "Kommandantur" allemandes.
La seconde "pièce" vit naître - la trilogie des collabos -, avec la figure centrale et marquante de l'inspecteur Sadorski ( déjà présent dans Monsieur le Commandant ), immonde crapule imaginée avec brio par le talent démoniaque de Slocombe.
En 2016 c'est - L'Affaire Léon Sadorski -, pressenti lui aussi pour le Goncourt.
En 2017 sort - L'Étoile jaune de l'inspecteur Sadorski -
En 2018 - Sadorski et l'Ange du péché - vient clore cette première trilogie... suivie aussitôt l'année d'après par le premier opus de la seconde trilogie ( La trilogie de la guerre civile ), premier opus intitulé - La Gestapo Sadorski -.
Mes lectures de la saga Sadorski s'étaient arrêtées là... j'attendais le second opus lorsque j'ai appris qu'en 2019 Slocombe avait écrit - La Débâcle -, roman dans lequel on retrouve, revenant en arrière, des personnages récurrents ayant joué un rôle important dans chacun des ouvrages constituant la saga en question.
Au passage, c'est en lisant - La Gestapo Sadorski - que j'ai eu connaissance de l'existence de - La Débâcle -...
Autant dire que lorsque vous entamez la lecture de - La Débâcle -, une partie de votre plaisir de retrouver ces personnages est gâchée par le fait que, si vous avez suivi Slocombe et respecté la chronologie de la parution de ses livres... ce que je croyais avoir fait scrupuleusement... vous savez le sort que leur a réservé l'auteur dans la suite de son " grand roman noir national "...
Voilà en beaucoup de mots pourquoi j'ai utilisé ceux de "pièce" et de "puzzle".

Après s'être donc attaqué précédemment aux thèmes de la France des délateurs, de la première année de l'Occupation avec les prémisses de la Résistance, du sort réservé aux Juifs, en particulier en 1942 avec la rafle du Vel d'Hiv', des signes avant-coureurs de la possible défaite allemande avec en corollaire l'importance prise par la Résistance intérieure ( je fais court ne cherchant pas à établir une liste exhaustive de tous les éléments qui façonnèrent cette période... les déportations, le marché noir, etc...), Slocombe nous ramène en juin 1940... exactement au lundi 10 juin 1940... date à laquelle il fait débuter ce qu'on appelle " l'exode " ou " la débâcle ".
Durant sept jours, du lundi 10 juin au lundi 17 juin, il nous fait vivre au plus près ce que fut cette grande débandade de l'armée française... "trahie" par ses chefs militaires et politiques, par son impréparation, par son sous armement, son sous-effectif, par un pays encore meurtri par la Grande Boucherie de 1914/1918, gangrené par l'extrême droite, laquelle, dit-on aurait joué un rôle non négligeable dans la défaite et la mise en place du gouvernement de Pétain...Ce dernier faisant... si vous avez un peu d'Histoire, le 17 juin 1940, le "don de sa personne à la France"..."Les chefs étoilés qui viennent de perdre la guerre s'emparent du pouvoir."
Il nous fait vivre au plus près de la famille Perret, une famille de grands bourgeois du XVIe arrondissement, d'un brigadier juif de l'artillerie, photographe de renommée fréquentant tous les artistes de l'époque, d'un joli mannequin, compagne depuis cinq ans du brigadier photographe, d'un avocat fasciste et de sa "drôle" de femme.
Autour d'eux L Histoire va dérouler son implacable trame, trame constituée d'une multitude d'autres petites histoires parmi lesquelles Slocombe va en choisir quelques-unes pour illustrer de manière "incarnée", "représentée", ce que fut cette débâcle.

Comme dans ses précédents ouvrages, l'auteur fait appel aux mêmes procédés narratifs.
Essentiellement une connaissance et un respect de l'Histoire que je salue après lecture de chacun de ses romans.
Tout le travail de reconstitution est fait avec une minutie quasi obsessionnelle.
Les objets, les vêtements, les journaux, les magazines, les films, les chansons, leurs interprètes ; on a vraiment l'impression d'y être.
Pour cette débâcle militaire et cet exode civil, tous les détails concernant l'armement ( avions, chars, véhicules, canons, mitrailleuses, fusils etc ), l'esprit des soldats, de leur commandement, sont restitués avec un réalisme travaillé, étudié, réfléchi, respecté.
Pareil pour l'exode des civils.
Un extrait parlant du contexte reconstitué.
"Hommes à pied, officiers motorisés, tout le monde crève de chaud. Interdiction, dans l'armée française, qui ne possède qu'une seule tenue pour l'année, de se passer de capote d'hiver, vareuse, cravate et de tout le fourniment, cartouchières, baïonnettes, linge de rechange, vivres de réserve, gamelle, plats et bouteillons, couverture, toile de tente, pelle à tranchée, matériel de campement... alors que les Boches, qu'il a vus de loin au franchissement de la rivière, après avoir été transportés en camion, attaquent sans paquetage, parfois en bras de chemise, col et manches retroussées, sinon torse nu !
Leurs bottes molles ne font pas de bruit et ils sont dotés de mitraillettes d'un modèle récent, très efficaces pour arroser à courte distance."

Dans ce road-trip historique et "noir" qui débute avec Paris qui se vide de tous ceux qui peuvent quitter la capitale menacée par les Allemands, Slocombe nous livre une oeuvre romanesque d'un réalisme saisissant. Petites et grande Histoire se fondent dans un ensemble d'une tenue irréprochable.
C'est palpitant de bout en bout.
Tous les personnages, sans exception sont à la hauteur de cet excellent roman.
Roman de chair, roman sensuel, roman de vie, roman de mort, roman de guerre, thriller historique.
Encore un coup de maître de cet auteur très "productif".
Il me reste à lire les deux derniers tomes de - La Trilogie de la guerre civile -, ce que je vais m'empresser de faire.
À lire, bien évidemment ; ce bouquin se lit comme si l'on était au cinéma, prenant d'abord connaissance des actualités de l'époque avant de savourer un superbe blockbuster reprenant dans une mise en scène à couper le souffle lesdites actualités.
- La Débâcle - peut être lue "séparément "... mais si c'était à refaire, je commencerais par celui-ci avant d'entreprendre - La trilogie des collabos -, j'enchaînerais avec - Monsieur le Commandant -... avant de m'attaquer à - La trilogie de la guerre civile -.
À vous de voir...
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