J'ai attendu 2 ans avant de lire ce bouquin qu'on m'avait offert. Je n'aimais pas le titre. Je n'aimais pas la couverture. Je m'attendais à de la hard sf. Et à ma grande joie j'ai été déçue.
Cette série de nouvelles construit progressivement, et chronologiquement, un univers très cohérent, sans pesanteur toutefois. Pas de longs passages didactiques / techniques expliquant le fonctionnement d'une technologie ou l'organisation d'une société; le lecteur comprend cela peu à peu.
Cordwainer Smith ne prétend d'ailleurs pas à une exhaustivité à la
Asimov: certains aspects de son univers restent mystérieux, inexpliqués, ajoutant une touche poétique à certaines nouvelles.
Celles-ci sont d'ailleurs d'une grande variété.
Le thèmes: voyage dans l'espace, psychotropes, mutants, bizarreries temporelles, robots, extraterrestres, limites de l'esprit humain... Les grands classiques de la SF sont là. Mais traités avec originalité, et dans des styles très différents. Récits policiers, poétiques, témoignages de cataclysmes, anecdotes, textes quasi-prophétiques, batailles spatiales, légendes, délires déjantés dignes d'un
Philip K. Dick de bonne humeur.... Pas moyen de s'ennuyer. L'ouvrage est du coup étonnant: l'auteur révèle plusieurs facettes de son écriture et enchaine des nouvelles d'un ton très différent.
Un thème récurrent et bien plus rare en sf: l'art. Son influence sur l'homme, sa relation avec le désir et le perpétuel inachevé... Un certain nombre de nouvelles explorent ces aspects, plus ou moins directement, souvent avec cruauté, mais toujours avec humanité (les deux sont compatibles...)
Un gros coup de coeur pour les canards grillés de la Planète gustible: cette nouvelle, grinçante et vraiment hilarante, m'a complètement surprise après le sérieux et la philosophie des 3 précédentes. Et pour les Danses qui ouvrent et ferment le recueil. Au final, c'est peut-être la même dans la première et la dernière nouvelle, avec quelques variations dues aux 14000 ans séparant les spectateurs respectifs: l'interprétation de l'art dépend du point de vue... Dans la première nouvelle, la Danse futuriste entraperçue par les terriens du 20e siècle comme une beauté absolue et insoutenable pourrait être la fascinante et mortelle aliénation du dernier récit.