Une alternance de point de vue régulière entre deux adolescentes pour ce roman chorale à la dynamique assez soutenue.
La première surprise, selon moi, se trouve dans le ton incisif qui ressort dès les premières pages. La plume est assez acidulée et je dois dire que je n'attendais pas forcément Ahava sur ce terrain. Dans mes souvenirs, mes précédentes lectures m'ayant semblé bien plus douces.
C'est donc un brin étonné que je fais tour à tour la connaissance de Madeleine puis de Clémence, deux femmes-enfants, pas vraiment prêtes à mettre un pied dans le monde des adultes. Pas prêtes à s'immiscer dans notre monde tout court d'ailleurs !
D'un côté, Madeleine, plutôt renfermée, à l'écart, moquée, chahutée, qui ne vit qu'à travers
Audrey Hepburn. À première vue, elle ne fait que rêver sa vie à travers films et cinéma américain. de l'autre, Clémence, stricte opposée, plutôt extravertie, libérée, très naïve (surtout en ce qui concerne la gent masculine). Comment ses deux opposées ont-elles pu devenir les plus proches amies ? C'est bien connu, les opposés s'attirent surtout sur un malentendu mais sur ce point, ce n'est pas à moi de vous en dire plus …
J'aurais juste envie de souligner le modèle instable de schémas familiaux dans lesquels elles ont dû toutes les deux se construire (dépressions, folies, prison …), ce qui explique rapidement bien des choses dans leurs comportements comme dans leur rapprochement. À partir de là, je dirais que je développe une certaine empathie pour ces deux petites héroïnes tourmentées, victimes collatérales de l'instabilité du foyer dans lesquelles elles ont se sont construites.
Alors que Clémence se retrouve enceinte sans possibilités de pouvoir avorter, Madeleine lui propose de devenir fille au pair au Royaume-Uni, où les délais légaux pour l'IVG sont plus longs qu'en France. Une opportunité silencieuse pour Madeleine, qui elle, voit dans ce voyage la possibilité de retrouver ce père qu'elle n'a jamais vu. Mais rien ne va se passer comme prévu.
Deuxième surprise : alors que je m'attendais à suivre les deux amies ensemble, plus soudées que jamais, voilà qu'elles se retrouvent séparées pour de nombreuses pages où chacune va suivre un chemin bien différent creusant un peu plus le fossé qui les sépare.
Je dois reconnaître que cette lecture a été bien éloigné de ce à quoi je m'attendais et je pense que ce nouveau style, quelque peu différent, surtout pour ceux qui ont déjà lu l'auteure, pourrait ne pas plaire à tout le monde. Pourtant, curieusement, une fois la surprise passée, ce livre, je l'ai terminé en moins de quatre jours. J'ai trouvé l'histoire assez originale. Nos héroïnes, tour à tour attachantes, énervantes, puis de nouveau émouvantes ont chacune une singularité particulièrement intéressante au fil de l'histoire qui s'affine en fonction de ce qu'elles vivent dans leurs familles d'accueil respectives.
Elles font preuve, et surtout Madeleine, d'une capacité d'adaptation qui force le respect. Elle semble fragile, mais au fond, elle est forte ! À défaut d'avoir pu se construire avec des racines solides, elle puise sa force dans son admiration pour son héroïne américaine, ce que j'ai trouvé très émouvant. le final avec son père nous montre à quel point il aura fallu de courage à la petite fille pour arriver jusque- là et combien ce qui peut nous apparaître comme complètement farfelu a été une véritable béquille pour se protéger et se construire. Vivre dans son monde est souvent une carapace efficace à la douleur et à l'absence.
Du côté de Clémence, ce qui semble être une chance à son arrivée n'en est pas vraiment une ; je crois qu'un des messages fort à travers ce livre est qu'il faut se méfier de ce qui brille et ça nos héroïnes ont fini par l'apprendre à leurs dépens. elles sortiront grandies de cette expérience !
Certes, c'est donc, pour moi, dans un style d'écriture complètement différent que j'ai retrouvé Ahava, mais contrairement à ce que j'ai pu craindre au départ, l'histoire n'en est pas moins passionnante. Bien sûr, j'ai été surprise par le déroulé du récit et par la manière de l'amener un peu particulière. Mais j'aime toujours autant la richesse psychologique dont elle sait investir ses personnages. Intimes, authentiques, ils ont toujours cette faculté de nous nourrir, de nous rendre plus riche de l'autre sans jamais tomber pour autant dans le tragique. La touche d'humour est aussi souvent au rendez-vous.
C'est une auteure que j'aime beaucoup. J'aime le côté lumineux, les intentions qu'elle réussit à mettre dans ses livres et je ne peux que vous conseiller d'en tourner les pages.
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