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Critique de mh17


Choses dont je me souviens est un journal d'hospitalisation qui mêle prose, haïkus et poèmes.
L'écriture est limpide, les réflexions claires, les poèmes merveilleux. La seule difficulté, c'est le traitement du temps plutôt complexe. Il vaut mieux avoir en tête la chronologie. Elle est récapitulée dans la préface mais je la résume, pour vous et pour moi. Natsume Soseki (1867-1916) a 44 ans quand il est hospitalisé à Tokyo une première fois le 18 juin 1910 pour soigner un ulcère à l'estomac. Il quitte l'hôpital le 31 juillet pour se reposer dans une station thermale de la péninsule d'Izu. Mais, le 24 août, il est terrassé par une hémorragie gastrique et pendant trente minutes il perd connaissance, plongé dans un semi-coma. Dès le 8 septembre, encore très affaibli, il se remet à lire, reprend son carnet et commence à noter faits, perceptions, impressions de lecture. Il écrit surtout de nombreux haïkus ainsi que des kanshi, poèmes rédigés en chinois classique, ce qui ne lui était pas arrivé depuis sa jeunesse. de retour à l'hôpital de Tokyo en octobre, dans la même chambre que la première fois, il commence à rédiger Choses dont je me souviens qui paraîtra dans le journal Asahi entre le 29 octobre et le 20 février 1911. Il sortira de l'hôpital le 26 février 1911.
« Choses dont je me souviens n'est rien de plus qu'un ensemble feutré, reposant sur les réflexions et le quotidien banal d'un homme aux prises avec la maladie, mais mon intention est d'introduire tout au long du texte un ton qui, bien que passé de mode, a le charme de la rareté, et je souhaite ardemment éveiller mes souvenirs sans attendre, les écrire de suite et pouvoir ainsi respirer dans la nostalgie ce parfum suranné avec mes nouveaux lecteurs, avec tous ceux qui sont dans la peine. »
Ce journal est très beau. Il a souffert terriblement, il a cru mourir, il a perçu des sensations, des images, qu'il veut retenir en toute hâte dans son petit carnet avant qu'elles ne s'évaporent. Mais pourquoi celles-ci plutôt que celles-là, pourquoi se remet-il à écrire des kanshi ? Ces choses dont il se souvient sont mêlées de rêveries. Il s'interroge sur la mémoire et nourrit sa réflexion de ses lectures ( (Bergson via son ami le philosophe pragmatique et traducteur Willian James dont il apprend la mort). Il décrit de manière crue ses souffrances interminables pour ingérer, déglutir ou digérer et puis son sommeil de chien. Il évoque la gentillesse et le dévouement du personnel médical. Il insiste sur son expérience de rescapé, sa joie intense d'avoir échappé à la mort annoncée. Il s'attarde longuement sur l'expérience de Dostoievski « revenir de justesse à la vie » après un simulacre d'exécution, connaître en moins d'une heure « trois tournants abrupts » : avancer de la vie vers la mort, faire demi-tour, revenir à la vie". Il nous fait partager son plaisir de vivre, de retrouver le simple « goût du gruau que le printemps verse goutte à goutte sur (ses) entrailles », la conscience de vivre une douce, apaisante et fugace parenthèse loin des pesanteurs et des mesquineries quotidiennes du monde moderne, en communion avec une nature réinventée.
Une lecture marquante.
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