AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tachan


Tachan
08 décembre 2022
J'avais découvert et été enchantée par la plume de Floriane Soulas, l'an dernier, avec Les noces de la renarde. J'ai donc décidé de remettre le couvert cette année avec son tout premier roman : Rouille, une uchronie steampunk particulièrement réussie qui a frôlé le coup de coeur. Décidément l'autrice et moi nous accordons à merveille pour le moment !


Autrice de trois romans, Floriane Soulas a su proposer dans les deux que j'ai lu des univers uchroniques et fantastiques qui m'ont totalement séduites alors qu'ils sont à mille lieux l'un de l'autre. Dans Les noces de la renarde, elle nous proposait une revisite poignante d'un conte classique de la culture japonaise. Dans Rouille, c'est notre Paris de la Belle Epoque qu'elle revisite dans un univers à la Jules Verne et Alex Alice où les hommes peuvent aller sur la Lune et où une terrible drogue vient semer le chaos dans les bas quartiers. Inattendu et fort divertissant.


Comme avec Les noces de la renarde, la force de l'autrice est de proposer très rapidement un univers qui embarque le lecteur. En effet, l'autrice a une belle force d'évocation quand il s'agit d'imaginer des mondes âpres mais fascinants. Ce Paris de la Belle Epoque qu'elle imagine, on le connaît. On y retrouve ses Apaches, ses maisons closes, ses meurtres sordides. Mais la nouveauté, c'est qu'on peut aller sur la Lune et qu'on y trouve des composants fascinants pour faire évoluer notre science, la recherche de drogue et la création de prothèses et autres automates, ce qui donne une toute nouvelle teinte à notre capitale. Dans une ambiance à la Jack l'Éventreur, mais dans un monde un tantinet plus moderne, nous allons nous lancer à la recherche de celui qui fait des ravages dans les bas quartiers laissant dans son sillage les corps mutilés de prostituées.

J'ai beaucoup aimé la noirceur et la sordidité dans laquelle vont évoluer les personnages de Floriane Soulas, car au lieu de nous proposer quelque chose de glauque à partir de là, l'autrice offre plutôt un récit plein de courage pour se sortir du marasme où la vie peu plonger parfois. Elle flirte donc avec des thèmes et lieux très durs mais sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le dérangeant, tout en ayant un ton sombre et sans concession. Un très beau travail d'équilibriste.


A ses côtés, j'ai adoré découvrir Duchesse, la prostituée phare d'une maison close sous la protection de Leon, le mafieux. Celle-ci est à la recherche de ses souvenirs car elle ne sait pas qui elle et en faisant cela, elle va mettre le doigt (du moins ceux qu'il lui reste) dans un terrible engrenage qui va nous emmener loin dans les bas-fond parisien. Duchesse est un personnage comme je les aime de femme forte qui ne se laisse pas abattre, appelle un chat un chat, sait se servir de ses avantage et n'a pas peur de se salir les mains. Avec elle, nous mettons le nez dans les affaires des maisons closes, découvrant leurs mécanismes, et nous allons aussi à la rencontre de ses clients de tout poil, ainsi que de ses souteneurs. C'est un portrait assez juste de ce milieu tel qu'il a existé autrefois et j'ai trouvé fort intéressant l'utilisation que l'autrice en a fait, livrant des détails dessus et en faisant un ressort scénaristique.

Avec Duchesse, nous allons aussi vivre une sacrée aventure en sachant à savoir qui elle est mais également à découvrir qui a tué et mutilé sa seule amie prostituée. Floriane Soulas offre une aventure pleine d'ambition et de rythme, rappelant un peu les histoires d'un certain Nicolas le Floch mais dans un autre univers. C'est percutant, c'est plein de rebondissements, ça nous fait aller à la rencontre de gens de plein de strates différentes : prostitués, proxénètes, apaches, policiers, gens de la haute, etc, pour dénoncer justement la misère qui les étreint et ce que certains font pour les manipuler et les y laisser. le thème de la drogue utilisé pour contrôler les faibles et susciter des troubles qui permet de faire monter le sentiment d'insécurité pour obtenir un pouvoir politique et financier est très finement mené. C'est à la fois divertissant et dénonciateur. J'ai beaucoup aimé.


J'ai senti une grande facilité chez l'autrice pour brosser ce portrait et mener cette aventure. Elle a su m'attraper dès les premières pages et a maintenu mon attention du début à la fin grâce à une intrigue dynamique, pleine de rebondissement, au décor âpre et aux personnages à la gouaille attachante. J'ai beaucoup aimé le personnage de Duchesse dont je parlais plus haut, je fus aussi charmée par l'ambivalence de ses alliés qui malgré une position de départ moralement fort discutable (ce sont quand même des proxénètes et associés) parviennent à devenir fort attachants à nos yeux, participant à cette quête de justice de l'héroïne et se révélant fort humains. L'autrice sait écrire des personnages complexes, tout sauf lisses, qui se marient à merveille avec ce Paris un peu caché. Je sais que ça n'a rien d'original mais c'est bien écrit et bien mené.

Pour un premier roman, Rouille est donc une fort belle réussite. L'autrice avait déjà su semer les graines de ses futurs succès ici avec cette facilité à imaginer un univers connu mais légèrement différent où un voile brumeux venait cacher bien des noirceurs. J'ai apprécié l'ensemble des nuances invoquées dans cette histoire pour brosser le portrait d'un Paris interlope où même les pires crapules peuvent devenir des héros quand un danger les menaces et qu'il leur pousse des ailes. J'ai cru comprendre que certains avaient trouvé le récit lent, ce ne fut pas mon cas. J'ai cru comprendre que certains auraient voulu plus de steampunk, j'ai trouvé celui-ci judicieusement dosé pour l'histoire que voulait conter l'autrice. Ce fut donc une aventure belle, âpre, entêtante, divertissante et pleine de nuances douces amères. Je suis totalement conquise et je compte bien lire les prochains textes de l'autrice.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}