Citations sur Je ne suis pas là (67)
Il se nouait entre nous des accords tacites. Chaque mois, je versais un loyer à Simon, tandis qu'il payait les courses, parce que c'était lui qui gagnait le plus et parce qu'il savait que j'avais une tendance naturelle à ne pas dépenser beaucoup au supermarché, que j'étais capable de vivre une semaine entière avec trois briquettes de lait et quelques boîtes de Frosties.
C'était peut-être normal, aussi, de ne pas pouvoir dire adieu aux choses les plus quotidiennes, les plus sûres, les plus précieuses, car dès qu'on prendrait conscience de leur disparition prochaine, elles auraient en fait déjà cessé d'exister. [...] Le bonheur, tout comme le soleil, avait été créé de sorte qu'on ne puisse jamais le regarder en face.
Ce praticien était plus jeune que le précédent et il avait des airs de mini - troll avec sa petite taille et sa gigantesque broussaille de cheveux électrostatiques. Il consultait dans l'ancien cabinet de la Licorne, qu'il avait aménagé dans un style légèrement plus accueillant. Derrière le bureau, un poster affirmait : "Les personnes bipolaires ont tendance à vivre en noir et blanc, c'est à nous de ne pas les regarder ainsi."
Simon écoutait toujours mes critiques, me donnait raison à chaque fois, j'étais sa Loulou, il m'aimait. Tout ce qu'il bâtissait, il le bâtissait sur notre sol commun, et moi je détenais le permis de démolir.
Le plus dur pour les proches de patients bipolaires, a poursuivi la Licorne, n'était pas les épisodes en eux-mêmes, mais leur caractère cyclique. À chaque période dépressive succédait une période maniaque, tellement épuisante qu'elle débouchait à son tour sur une dépression, il ne fallait pas crier victoire apres quelques bonnes journées ou même quelques bonnes semaines, car aussitôt, les choses recommençaient à mal tourner.
"Si on accepte que ça ne passera jamais, alors seulement on peut vivre avec", a-t-il conclu.
(P. 358)
Je reconnais dans son intonation ma propre tentative d'autodiscipline. On ne s'affole pas moins que les autres, mais on a pris la décision d'être plus fort. Non, en fait, ça n'a rien à voir avec une décision personnelle, c'est quelque chose d'imposé, qui vous tombe dessus, les rôles de paniquard ont déjà été distribués, il ne reste que l'emploi du négociateur impassible. (p. 101)
C'était peut-être normal aussi de ne pas pouvoir dire adieu aux choses les plus quotidiennes, les plus sûres, les plus précieuses, car dès qu'on prendrait conscience de leur disparition prochaine, elles auraient en fait déjà cessé d'exister.
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Dans les autres pièces régnait un silence de mort, un de ces silences qui flottent comme une prise de conscience, au point que les murs eux-mêmes en éprouvent de la honte par procuration.
Elle qui n’aimait ni la violence ni la grossièreté, aurait voulu avoir à sa disposition une clé et une voiture qu’elle aurait pu rayer haineusement en vociférant des insultes.
Tout le monde savait à quel point il était doué, les profs montraient ses créations aux autres classes et mettaient ses dessins sur le site web de l’école, ils lui avaient demandé de présenter un projet pour un grand mur de graffitis dans la cantine du bâtiment Sonart et aucun étudiant n’avait protesté. Quand il marchait dans le couloir, on lui laissait plus d’espace que nécessaire.