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Critique de mumuboc


1934. Londres. Elvira Western 30 ans pensait avoir tout pour être heureuse. Marié à Paul, médecin, vie bourgeoise mais sans relief. Mais elle a rencontré Oliver Fenton qui a su réveiller ses sentiments. Il est jeune, il est beau, il a la fougue de sa jeunesse et de ses idées en particulier politiques. Elle part le rejoindre à Paris pour vivre avec lui, abandonnant mari, amis, situation.

Mais très vite elle va douter de son choix. Oliver est-il le compagnon qu'elle espérait, lui offre-t-il la vie qu'elle entrevoyait ? Paul son mari est prêt à lui pardonner et tente de la reconquérir…..

A travers une histoire de triangle amoureux, c'est le Paris de Saint Germain des Prés, des cafés et des rencontres que l'on y fait. Toute une faune gravite autour d'eux : journalistes, femme entretenue, danseuse de cabaret, etc…. Chacun ayant un avis, on s'entraide, on conseille, on se déteste, on manipule…..

Je ne connaissais pas du tout Christina Stead…. Adulée par Jonathan Franzen, d'origine australienne, elle a vécu en Europe et aux Etats-Unis. Disparue en 1983 ce récit n'avait jamais été traduit en français. Son premier roman L'homme qui aimait les enfants a été un succès et figure dans les 100 meilleurs romans de la littérature en langue anglaise pour la période 1923-2005.

Je vous ai souvent parlé de mon attirance pour Virginia Woolf et la littérature anglaise et j'ai retrouvé dans la narration un style « woolfien », avec le flux de conscience de pensées de Elvira, femme indécise qui doute très vite de son choix.

Le vrai problème de la femme des classes moyennes, (…) c'est que sa liberté économique et sa liberté sexuelle sont incompatibles. Nous ne sommes pas libres. Esclaves des cuisines, esclaves des chambres à coucher. (p177)

Partagée et flattée par l'intérêt de son jeune amant, l'escapade amoureuse à Paris mais regrettant le confort et ses « petites affaires » restées à Londres, Elvira sera toujours à peser le pour et le contre de son choix. Elle tergiverse, hésite, revient sur ses décisions, profitant de l'indulgence de son mari, revenant vers Oliver à la moindre caresse, elle n'aura de cesse de demander autour d'elle ce qu'elle doit faire et je dois avouer qu'au bout d'un moment j'avais envie de lui dire : Bon assez cela suffit, décide toi….. Toutes ces hésitations tournaient en rond et donnaient de la longueur et de la langueur au récit.

Certes la condition féminine est au centre du récit à travers Elvira mais aussi Blanche, femme de petite vertu, danseuse de cabaret mais aussi pilier de café où elle espère rencontrer celui qui pourra l'entretenir, toujours à rechercher quelques billets pour tenir quelques jours de plus. Elle sera l'amie et la confidente de toutes et tous, connaît les adresses utiles aux femmes.

Elvira se sentira très vite exclue de la vie d'Oliver, passionné par la politique et engagé dans les mouvements socialistes, elle prendra conscience du rôle qui lui est assigné par celui-ci :

Vous n'hésiteriez pas à exploiter une femme au foyer, à la laisser faire votre cuisine et vos quatre volontés, à la changer en idiote qui ne pense qu'aux trous de souris et aux tringles à rideaux, tandis que vous écririez des articles sur les syndicats. (p181)

Oliver, Don Juan, sûr de lui et de son charme, profite de sa beauté auprès des femmes qui ne lui résistent pas, il séduit tous ceux qu'il rencontre, mais à force risque de tout perdre. Elvira fera la connaissance dans le train qui l'emmène vers son d'Annibale Marpurgo, commercial dans la dentelle pour les Frères Fuseaux (!!!) il tissera lui-même une dentelle où chacun mettra son propre noeud, sa propre boucle mais risquera aussi de tout faire filer….

C'est un roman foisonnant de personnages, de détails sur la vie parisienne, sur les mouvements politiques, sur les rues et cafés, sur tout ce petit monde qui se croise, qui échange quelques mots, quelques verres, on devient amis, on devient ennemis. Un récit de la vie parisienne de l'entre-deux guerres dans un Paris disparu.

Autre thème largement développé : le choix

Pendant des années, on hésite à faire un premier pas, songea-t-elle. Après on est bousculé, emporté. Ce premier pas, franchi des années plus tôt, aurait peut-être tout embelli. (p214)

qu'il soit amoureux, féminin (grossesse), mais aussi choix de vie, de travail, d'orientation.

Ma lecture a été par moment assez laborieuse, me perdant dans les pensées des différents personnages, mêlant politique, poésie, j'avais le sentiment de stagner mais dans la deuxième partie du récit, les événements et les véritables aspirations de chacun apparaissent : bonnes ou mauvais, les décisions se prennent quand les intérêts sont là, quand l'argent manquent et que les sentiments s'éteignent et la narration a repris de la couleur.

Ah ? Je connais les types comme vous ! Avec vos manières quasi féminines, vous parvenez à vos fins, à l'université comme dans la vie. Grâce à des ruses de femme, froidement égoïstes. Dans le monde entier, une seule personne compte à vos yeux, vous. Chez vous, tout est véreux : votre tête, votre coeur, votre corps et votre âme, à supposer que vous en ayez une. Vous regretterez toutes ces manoeuvres. Tous ceux qui se sont mis en travers de mon chemin ont été fauchés – non pas par moi, mais bien par un châtiment. Toutes les nuits, je dors avec la putréfaction. Celle-ci est mon amie. En contrepartie, elle dissout lentement les vertèbres de mes ennemis. (p414)

Une écriture pas toujours évidente, qui peut laisser perplexe ou rebuter certains lecteurs mais qui fait preuve de modernité et toujours très actuelle par l'étude des caractères de chacun. le regard est sans complaisance ni partie pris et reflète parfaitement les aternoiements que l'on peut avoir dans une vie, suivant les caractères et les intérêts.

Pour moi malgré tout une jolie découverte pour laquelle je remercie les Editions de l'Observatoire avec une qualité de présentation et de mise en valeur du livre.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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