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Critique de KateMoore


Lu dans le cadre du club de lecture de la librairie L'Attrape-Mots / Marseille.

Jon Kalman Stefansson nous raconte l'histoire des pêcheurs à la morue en Islande, au XIXème siècle. Ils partaient en mer dans une simple barque, en ramant à l'aller et en revenant à l'aide d'une voile. Ils jetaient leurs filets et attendaient que ça morde
"Les quatre autres rament pour déployer cette longue cordelette de lin parsemée d'innombrables hameçons sur lesquels la veille au soir ils ont placé les morceaux de poisson qui servent d'appâts, six lignes, une pour chacun d'entre eux, c'est celle de Pétur qui est posée en premier. Lui et Arni bénissent chacune d'elles avant de la mettre à l'eau afin que rien de maléfique ne sorte de l'abîme, d'ailleurs, qu'est-ce que cela pourrait être ?"

La morue n'est pas farouche. Elle mange tout ce qui est comestible.
"La morue nage toute sa vie durant avec la gueule grande ouverte, tellement vorace qu'elle surpasse toutes les espèces, à part l'homme, bien sûr, elle avale tout ce qui croise sa route et n'est jamais rassasiée, un jour, un gamin a compté cent cinquante capelans adultes dans l'estomac d'une prise de taille moyenne....."

Un jour de pêche comme un autre, Barour est tellement absorbé par les vers du livre "Paradis perdu" de John Milton (poète anglais) qu'il en oublie sa vareuse.
"S'en vient le soir / Qui pose sa capuche / Emplie d'ombre / Sur toute chose / Tombe le silence, / Déjà se lovent / La bête sur son lit d'humus / L'oiseau dans son nid / Pour le repos nocturne."
Il en reviendra mort de froid.
"Il est mort de froid parce qu'il a lu un poème. Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort."

Son meilleur ami et celui que Barour a pris sous son aile protectrice, le "gamin", part rendre ce livre de Milton à son propriétaire. Il doit faire ce voyage en mémoire à son ami d'infortune. Voyage initiatique, au cours duquel, il réfléchira sur sa propre vie et son futur sur cette terre aride : la vie vaut-elle la peine d'être vécue ?

Jon Kalman Stefansson nous décrit un pays au climat hostile.
Pourtant, il nous subjugue par les descriptions qu'il nous fait de ces paysages sublimes.
"D'un côté, la mer, de l'autre, des montagnes vertigineuses comme le ciel : voilà toute notre histoire."
"Les montagnes sombrent dans l'eau".
"La mer est bleue de froid".

L'auteur nous montre, aussi, l'âpre vie de ses habitants, des vies austères. Pour conjurer tout cela, ils se réfugient dans les livres, les rêves.... jusqu'à en mourir parfois.

"Entre ciel et terre" est écrit comme un long poème : la magie des mots, la magie d'un livre, la magie d'un auteur...
"Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d'autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le coeur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires."
"Entre ciel et terre" est le premier tome d'une trilogie. "La tristesse des anges" et "Le coeur de l'homme" la complète.
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