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Critique de CecileMK


De Jon Kalman Stefansson, j'avais déjà lu "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pied", "Entre ciel et terre" et "Asta", et j'avais été subjuguée dès les premières pages par la beauté de son écriture. Avec "Ton absence n'est que ténèbres", il a encore dépassé mes attentes et signe là, selon moi, son meilleur roman (mais je n'ai pas encore lu son dernier paru début 2024). Il tisse ici les fils de plusieurs vies se déroulant de la fin du XIXème siècle jusqu'à nos jours, dans la région de Keflavik, dans ce fjord "qui ressemble à une étreinte". Sont convoqués les vivants et les morts (et il arrive que même les défunts sourient), dans une alternance entre présent et passé ("mais peut-être vit-on toutes les époques en même temps") ou par une suspension du temps que permet l'écriture : pendant que la voiture de Kari est à l'arrêt sur le pont, nous aurons exploré quelques dizaines d'années. Car Jon Kalman Steffanson nous donne à voir le travail d'écriture en train de se faire. le narrateur, amnésique, ayant perdu toute trace de son identité, hormis le fait qu'il sait qu'il a aimé et qu'il a été aimé, noircit ses pages format A5 et écrit la mémoire des autres, celle de Gudridur et de Petrur, de Hafrun et Skuli, de Halldor et Palli leurs fils, celle d'Erikur, leur petit fils, d'Aldis, la citadine de Reikjavik tombée amoureuse de Haraldur, alors qu'il écoute Bob Dylan sur son tracteur. Parfois ce narrateur lève son stylo, alors l'horloge reprend son mouvement. Il doit faire face à un personnage - pasteur ou chauffeur de bus qui les emmène tous vers l'enfer ? - qui semble le retenir prisonnier jusqu'à ce qu'il termine sa tâche. "Ecrivez. Parce que la mort n'est qu'un simple synonyme de l'oubli." "Oubliez, c'est trahir la vie." le grand thème de Stefansson est l'amour. Est-ce courage ou lâcheté que de se résoudre à son destin, peut-on suivre la boussole de son coeur et tromper pour être fidèle à l'amour ? le roman est parsemé de titres et paroles de chansons, de "The Train Song" de Nick Cave, à "I'follow the sun" des Beatles, en passant par "Yesterday Is Here" de Tom Waits ou "Just Say I Love Him" de Nina Simone (une compilation, la playlist de la Camarde, est donnée en fin de volume). Les romans de Stefansson sont empreints de mélancolie, mélancolie qui est "notre souvenir des bonheurs disparus", dans ce paysage islandais où le ciel semble plus proche de la terre. "Même en plein soleil, nous abritons des vallées de ténèbres". Pour Stefansson, le paradoxe est constitutif de la vie; trouver la lumière exige de traverser l'obscurité, de la même façon que les étoiles ne sont visibles que dans la nuit noire. Mais son travail d'écriture terminé, le narrateur pourra enfin rejoindre la fête, annoncée dès le début du roman et donnée en l'honneur d'Elvis et de Palli. "La compilation de la Camarde est fin prête. Il ne nous reste plus qu'à vivre."
PS : j'aurais bien envie d'envoyer à Jon Kalman Steffanson un titre à ajouter à sa compilation de la Camarde : "What he wrote" de Laura Marling.
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