Écrire un polar est-il une tâche trop sérieuse pour être confiée à un humoriste? C'est ce que l'on pourrait se demander en refermant ce gros bouquin.
L'idée de départ est excellente, qui consiste à produire une enquête à la manière des grands auteurs du genre,
Agatha Christie en tête, mais surtout, en nous listant d'entrée les règles à respecter! On est à la limite entre l'hommage et le pastiche: 1) le huis-clos, tous les suspects étant réunis pour un week-end à la montagne, avec 2) la tempête de neige survenant fort à propos pour bloquer les routes; et 3) la grande scène du dénouement où le rusé narrateur, improvisé détective, démasque le coupable. Bien évidemment, tout au long du récit, l'auteur sème de petits indices apparemment insignifiants, mais qui lui permettront de justifier son raisonnement a posteriori.
Les lecteurs attentifs remarqueront toutefois quelques invraisemblances. le meurtre de la jeune Rebecca, dont le mobile restera inexpliqué. le mode opératoire de l'assassin, lequel nécessite du matériel peu discret, difficilement compatible avec un séjour à la montagne. La mère de famille qui laisse ses trois enfants dans sa voiture en plein soleil au moment de prendre son poste (l'auteur prend la peine de souligner qu'elle est en avance ce matin-là, elle prend donc le temps d'aller papoter autour d'un café avec son chef de service, puis elle commence à travailler, ayant oublié ses gamins?). le beau-père qui prend un GPS pour un téléphone mobile... alors qu'il s'agit de son propre GPS, et qu'il prend sur le fait le voleur venant de fracturer sa voiture? Laquelle voiture, d'ailleurs, paraît bien trop luxueuse pour ne pas avoir de GPS intégré... Bon, j'arrête là.
Au départ, le narrateur prend son public à témoin avec moult digressions, et petites blagues à l'air détaché. On voit que
Benjamin Stevenson vient du monde du stand-up, ce style conviendrait bien à des comédies télé (je n'ai pu m'empêcher de penser aux aventures pitoyables des personnages de Seinfeld). C'est amusant au début, mais on s'en lasse rapidement.
Il existe pourtant quelques (rares) auteurs de polars qui ont réussi brillamment le mariage (controversé) humour/tragédie. Je pense par exemple à
Hugh Laurie.
Benjamin Stevenson semble prometteur, s'il travaille encore un peu? Ou alors, tout simplement, ce mélange ne fonctionne pas bien. Classiquement, les polars comportent une critique sociale, discrète à l'époque d'
Agatha Christie, explicite aujourd'hui. C'est peut-être l'ingrédient qui manque à ce livre, pas déplaisant à lire, mais pas inoubliable non plus.