Citations sur Les visages de Victoria Bergman, tome 1 : Persona (47)
Épigraphe :
Ambre est notre vie. Profonde la déception innée -- qui fait éclore tant de légendes dans les forêts de Scandinavie -- morne se consume dans notre coeur le feu affamé. Beaucoup se font les charbonniers de leur propre coeur : infirmes à force de rêveries, ils posent l'oreille sur la meule et l'écoutent s'éteindre en sifflant. ( Harry Martinson, "Même les orties fleurissent")
J'entends et j'oublie, je vois et je me souviens, je fais et je comprends.
"Tu es ce que tu lis" (p.337)
"Combien un être humain pouvait-il endurer avant d'être complètement brisé et devenir un monstre?" (p.118)
Elle a sommeil mais, en son for intérieur, elle a compris depuis longtemps qu'elle ne pourra jamais s'endormir assez profondément pour s’échapper. Sa tête est comme une lampe allumée oubliée dans une maison silencieuse et sombre.
Combien de souffrance un être humain peut-il infliger aux autres avant de cesser lui-même d'être un être humain et de devenir un monstre? se demande-t-elle.
Elle passe les mains sur la surface lisse du bois, songe au temps qui a passé sur ces planches, à toutes les mains qui les ont touchées, polies, en ont effacé toutes les aspérités. Comme si rien ne pouvait plus les atteindre.
Elle voudrait être comme ce bois, aussi intouchable.
Stockholm est infidèle comme une catin. Depuis le XIe siècle, elle baigne dans ses eaux saumâtres et aguiche le passant avec ses îles et ses îlots, son air innocent. Elle est aussi belle que trompeuse et son histoire est jalonnée de bains de sang, d'incendies et d'excommunications.
Et de rêves brisés.
Elle ne doit pas dévoiler à Jeanette sa part d’ombre. Elle est forcé de la refouler: Jeanette ne doit jamais rencontrer Victoria Bergman.
Mais Victoria et elle sont enchaînées ensemble comme deux soeurs siamoises et par là aussi dépendent l’une de l’autre.
Elles partagent le même coeur et le sang qui circule dans leurs veines est le même. Mais quand Victoria méprise sa faiblesse, elle admire Victoria pour sa force - avec l’admiration de l’esclave pour le maître.
La vie qui quelques mois plus tôt seulement lui semblait aller de soi est comme balayée.Elle ne sait même pas à quoi va ressembler le lendemain.
Elle allume l'autoradio pour ne pas s'entendre penser.