Ecoute, apprendras-tu à m'écouter de loin,
Il s'agit de pencher le coeur plus que l'oreille,
Tu trouveras en toi des ponts et des chemins
Pour venir jusqu'à moi qui regarde et qui veille.
Qu'importe en sa longueur l'Océan Atlantique,
Les champs, les bois, les monts qui sont entre nous deux ?
L'un après l'autre un jour il faudra qu'ils abdiquent
Lorsque de ce côté tu tourneras les yeux.
Soyons seuls un moment
Dans un monde d'aveugles.
Milliards de paupières
Autour de nous fermées.
Attendre que la Nuit, toujours reconnaissable
A sa grande altitude où n’atteint pas le vent,
Mais le malheur des hommes,
Vienne allumer ses feux intimes et tremblants
Et dépose sans bruit ses barques de pêcheurs,
Ses lanternes de bord que le ciel a bercées,
Ses filets étoilés dans notre âme élargie,
Attendre qu’elle trouve en nous sa confidente
Grâce à mille reflets et secrets mouvements
Et qu’elle nous attire à ses mains de fourrure,
Nous les enfants perdus, maltraités par le jour
Et la grande lumière,
Ramassés par la Nuit poreuse et pénétrante,
Plus sûre qu’un lit sûr sous un toit familier,
C’est l’abri murmurant qui nous tient compagnie,
C’est la couche où poser la tête qui déjà
Commence à graviter,
A s’étoiler en nous, à trouver son chemin.
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Visite de la nuit
Terrasse ou balcon, je posai le pied
A la place exacte où l'on sait toute chose,
J'attendis longtemps, gêné par mon corps,
Il faisait grand jour et l'on approchait.
C'était bien la Nuit convertie en femme,
Tremblante au soleil comme une perdrix,
Si peu faite encore à son enveloppe
Toute errante en soi, même dans son cœur.
Quand il m'arrivait de faire des signes
Elle regardait mais voyait ailleurs.
Je ne bougeais plus pour mieux la convaincre
Mais aucun silence ne lui parvenait.
Ses gestes obscurs comme ses murmures
Toujours me voulaient d'un autre côté.
Quand le jour baissa, d'un pas très humain
A jamais déçu, elle s'éloigna.
Elle rejoignit au bout de la rue
Son vertige ardent, sa forme espacée,
Comme chaque nuit, elle s'étoila
De ses milliers d'yeux dont aucun ne voit.
Et depuis ce jour je cède à mes ombres.
Et peut-être que Dieu partage notre faim
Et que tous ces vivants et ces morts sur la terre
Ne sont que des morceaux de sa grande misère,
Dieu toujours appelé, Dieu toujours appelant...