- Ça, je ne te le pardonnerai pas.
- Moi, je me pardonnerai.
Comment allais-je procéder ? Cette fois, au lieu de me cogner la tête contre un mur de silence, de zigzaguer de-ci de-là et d'offrir en spectacle ma personnalité haute en couleur, je traquerais les ombres, j'éplucherais les archives, je ferais profil bas, tel Lew Archer. Je resterais cool, toujours cool. CÉRÉBRAL.
-Nous ne savons pas si Max est mort, ni Phil d'ailleurs.
-Non, pas avec certitude. Mais j'ai lu le rapport du médecin légiste sur Sansom. S'il n'est pas mort, je ne voudrais pas le rencontrer au fond d'un bois. Quelle gueule. En fait, plus de gueule du tout.
Le téléphone sonna.
— Jimmie, ici Tyler.
— Je sais.
— Max est mort.
Lourd silence.
— Eh bien ? lança-t-elle.
— Eh bien quoi ?
— Dis quelque chose.
— Ça ne pouvait pas arriver à un type plus gentil.
— Salaud.
— Qu’est-ce que je devrais faire, Tyler ? M’effondrer ?
Bon, ce fumier est mort. Bonne nuit.
— Non, attends. Il a été tué par un chauffard. À Harding.
— Harding ? Qu’est-ce qu’il foutait au Nouveau-Mexique ?
— C’est une longue histoire. Mais un soir, comme ça, je lui ai parlé de Harding… Tu sais, mes grands-pères, la fusillade, les procès, 1910, 1916, et…
— Ah non, ça ne va pas recommencer !
— Et il a été très excité. Tu connais Max. Il a pensé que ça pourrait donner matière à un livre. Alors le lendemain il a pris l’avion, il est allé là-bas. Il y a quatre jours de ça. Maintenant il est mort.
— Tu me fends le cœur.
Il marche à une allure modérée, résolue, les bras à ses côtés, un revolver dans chaque main.
“Voilà comment ça se passe, disait-il. D’abord, il faut de l’ordre. On l’obtient comme on peut, généralement avec un fusil et une corde. Ensuite on a besoin de lois. On les rédige et on essaye de les respecter. L’ordre et la loi, c’est ce qui compte avant tout, même chez les animaux. Quand on les a, on peut prendre son temps pour penser au papier peint, au chœur pour l’église, aux couchers de soleil et au confort domestique. Ah oui, et à la Justice.”
Les écrivains apprennent avec le temps à se fier à leur créativité. Supposons qu'on soit coincé avec une histoire ou un personnage. On reste sur sa chaise des heures en espérant que la lumière se fasse, que germe l'idée cruciale et, finalement, quand on a vraiment l'esprit inventif, quand on est assez professionnel pour attendre assez longtemps, elle surgit.
Derrière l'homme se cachait une obscénité vivante . Le genre de type qui s'imagine qu'il pisse du Perrier.
[…] Hank Snackenberg m’avait harcelé pour que je persévère, pour que j’enchaîne les tirs, jusqu’à ce que je réussisse à acquérir un minimum d’adresse/ J’avais refusé. Le temps d’un homme qui peut enflammer l’imagination de la jeunesse, l’informai-je, est trop utile à la société pour qu’il soit gaspillé en tirant des coups de feu. Un livre de Frisby la Mouche vaut autant que mille cibles touchées en plein cœur. Je suis un créateur, pas un destructeur. Je donne la vie, je ne la prends pas. C’était la vérité. Il laissa tomber, soupirant qu’il n’avait jamais entendu de pareilles conneries.
Sous les climats arides, un cadavre s'altère lentement. (p.240)