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Critique de VincentGloeckler


Une poésie qui retient la leçon du " Joujou du pauvre " de Baudelaire, une poésie capable d'évoquer la réalité sans fard et qui nous touche au plus vif ? Oui, cela existe encore... le dernier recueil de Fabienne Swiatly, « Elles sont au service » (Editions Bruno Doucey, mars 2020) trouve pleinement sa place dans l'actualité, et doublement, triplement, quadruplement (ça se dit ça ?) peut-être, puisqu'il y est question de femmes, souvent victimes de mépris et d'exploitation, de femmes au travail et, surtout, « au service », donc asservies, de femmes soignantes (et l'on sait leur nombre et toute l'importance de leur rôle dans les équipes de soins face à l'actuelle épidémie de Coronavirus), de femmes courageuses enfin (et le Printemps des Poètes 2020, franchement occulté par le bruit médiatique du moment, devait célébrer, justement, cette vertu sociale, le courage !). Derrière cette couverture d'un délicat rose bonbon (couleur Malabar d'antan, vous savez), la bouchée est parfois brutale, la saveur amère. Une soixantaine de courts textes d'une prose poétique dépouillée, comme taillée au couteau, marquée par un refus radical de la fioriture, comme autant de portraits de ces anti-héroïnes de la machine économique, ces servantes de l'ombre, brusquement révélées malgré elles, leur générosité et leurs failles prises dans le faisceau de l'écriture. Chaque mot, là, porte son poids de lucidité, chaque détail anime une émotion, et l'on retrouve dans ce livre la poésie politique de Fabienne Swiatly, l'acuité du regard engagé qu'elle porte sur notre société, la cohérence et l'exigence d'une pratique littéraire qui nous avait déjà séduits dans tous ses précédents ouvrages. Mais, pour mieux convaincre, laissons-lui la parole, avec la citation de deux de ces portraits-vignettes, en vis-à-vis, p.56-57 :
« Elle s'assoit sur le lit des patients comme elle s'assoit sur le protocole, elle ne vient pas soigner des chiffres mais des personnes. Une robe de couleur vive sous la blouse blanche, un badge avec le nom écrit petit dessus, ça brille. Son corps va à la rencontre de l'autre corps qui est vieux avant d'être malade. Ses doigts touchent la peau aux veines saillantes, rétrécie jusqu'à l'os. Une main ne peut pas toujours avancer gantée. »
« Auxiliaire de vie c'est son métier. Une grande fierté à l'écrire sur les formulaires administratifs ou sur le carnet des enfants. Service à la personne. Depuis vingt ans déjà et un certificat d'aptitude obtenu en début d'année, son premier diplôme. S'occuper des personnes âgées c'est un choix depuis toujours. Alors un vrai coup de massue quand le vieux monsieur, la voyant pour la première fois, a bégayé : Pas de Noire chez moi. »
Alors ? Ça laisse, comme dirait Bertrand Belin, un autre magnifique poète, « sur le cul », non ?
Lien : https://www.librairielafonta..
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