Ange et P’tit Louis, aussi différents soient-ils, sentent qu’ils se ressemblent. Un même désir de vivre. Une même volonté de ne pas abdiquer, jamais, devant les pourris, les corrompus, les lâches. Cette secrète harmonie qui les réunit, sans un mot, tisse un fil de soie entre eux, les emmaillote de sa douceur, en silence, comme un cocon invisible, indestructible. Épaule contre épaule.
Et la nuit s’écoule, goutte à goutte. Lentement.
Nuit d’encre et de sang.
Incipit :
Émile Z.
Les coups de feu claquent dans le dos du jeune homme, secs et brefs. Roger n’a que le temps de prendre ses jambes à son cou. Il ouvre à toute volée la porte de l’arrière-boutique et dévale la rue principale. Les quatre hommes qui viennent de surgir dans la cour, l’arme au poing, en tentent même pas de le poursuivre. Ils ne sont pas venus pour lui, mais pour son oncle. Les voilà qui gravissent l’escalier du premier étage, non sans avoir fait main basse sur le tiroir-caisse de la bonneterie, et font irruption dans la salle à manger où Émile et Julienne, sa femme, s’apprêtent à dîner.