Citations sur Va où le vent te berce (67)
Giagiá serrait la main de son fils pour ne pas qu’il sombre. Avec, de temps en temps, une pression plus forte pour lui montrer qu’elle était toujours là, qu’elle ne le lâcherait pas. Pas besoin de paroles, l’influx passait à travers leurs doigts.
Pour lui, ce n’était pas une souffrance mais plutôt une libération de compter. Quel drôle de mot à douze lettres venait-elle d’employer ? Ça ressemblait à décalcomanie, mais apparemment ça n’était pas un jeu. Giagiá, elle, appelait ça la « bosse des maths ». C’était plus facile à retenir et en plus, ça la rendait fière.
Gabriel n’avait jamais vu quelqu’un sourire autant. Était-ce un jeu ? Peut-être était-elle née comme ça… Avec du scotch au coin des lèvres. Ou bien était-ce une sorcière déguisée en fée ? Comme la vilaine bellemère de Blanche-Neige. Si elle croyait qu’elle allait les amadouer avec son vulgaire « Au clair de la lune, mon ami Pierrot »…
Le jeu touché-coulé, vous connaissez ?… Eh bien, c’est un peu pareil. Sauf qu’on essaie en permanence d’inventer de nouvelles règles, d’améliorer nos stratégies en créant des robots pour nous assister.
Chez les tout-petits, notre mission est un peu différente. On est là pour assurer une présence. Pas besoin de jouer, de faire rire ni de faire des tours de magie...
Le passé lui faisait l’effet d’un frein qui l’empêchait d’avancer. Un poids qu’il aurait bien aimé larguer, là au fond de l’eau, pour pouvoir passer à autre chose. Un jour – il s’en faisait un devoir –, il s’investirait dans cette association. Et s’il reculait toujours le moment, ce n’était pas par égoïsme ou désintérêt, mais tout simplement parce qu’il s’en sentait incapable.
Les événements heureux de la vie avaient l’habitude d’être criés sur les toits, mais les drames ? Ceux-là se transmettaient en cachette, par messes basses entrecoupées de formules toutes faites comme « la pauvre », « la vie ne tient qu’à un fil », « le temps adoucira sa peine ». Comment échapper à cela ? Qui serait capable de venir la chercher sans lui poser de questions ?
Il était de ceux qui possèdent des radars pour capter la détresse des autres et sont toujours prêts à venir en aide. Il s’était retourné plusieurs fois dans sa direction, cherchant à capter son regard.
En Argentine, elle avait réussi à faire face, à tenir debout, comme si l’exotisme était capable d’atténuer le mal, de donner un caractère irréel à l’horreur.
Écoute le bruit des vagues... Elles viennent de loin, celles-là ! Peut-être même d'Argentine. Qui sait ?