Citations sur Anima mundi (27)
Une grande partie de nos malheurs provient d’un chemin mal choisi. Si l’on marche avec des chaussures trop serrées ou trop larges, au bout de quelques kilomètres on commence à maudire le monde. Une chose que ne n’ai pas encore trouvé c’est comment trouver le bon chemin au début
Se détester soi-même et faire du mal aux autres sont les deux faces du même sentiment.
Personne n’aime recevoir en plein visage la solitude de la vie humaine, absolue et terrible. Pour la cacher, on s’agite depuis le jour de notre naissance jusqu’à celui de notre mort.
Celui qui veut franchir une limite recèle en lui quelque chose de grand. Aux gens normaux cela n’arrive jamais. La limite qu’ils se donnent est toujours matérielle, ils veulent obtenir quelque chose de concret. Une belle maison, un travail mieux rémunéré, un amour différent de tous les autres. De la naissance à la mort, ils barbotent dans ces choses minuscules sans jamais lever la tête.
J'ai ainsi compris l'une des lois de la nature - loi qui n'est écrite nulle part : si les enfants fonctionnent bien, ils sont au père, s'ils fonctionnent mal, ils restent toute la vie un prolongement de la mère.
Désormais, j'étais au seuil de l'adolescence. Je me sentais comme un animal en fin d'hibernation. Pendant toutes ces années de collège, je n'avais pensé qu'au vide. Au vide et à ce qui se cachait- ou ne se cachait pas - derrière.
C'étaient des pensées voilées de tristesse, toutes mes actions étaient teintées de mélancolie. pge 19
Dès l'instant où il vient au monde, l'homme est méchant. Son empreinte a toujours été humide de sang. Avec le temps, il a seulement appris à perfectionner sa technique., aujourd'hui on peut tuer beaucoup plus de gens en se fatiguant moins. Cette conquête s'appelle "progrès". Le progrès est au service des idées. Et les idées, tu sais ce qu'elles sont ? Du poison, dans sa forme la plus pure. A un certain moment, on est convaincu de savoir, beaucoup mieux que tous les autres, comment doit fonctionner le monde. Pourquoi attendre la mort pour voir le paradis ? Avec un petit effort, on peut très bien édifier sur terre le jardin céleste. Dans le mot "effort", il y a déjà toute l'essence de l'abattoir. L'"effort" consiste à éliminer ceux qui sont opposés au rêve, grâce à l'"effort", on arrive à faire penser tout le monde de la même façon. C'est cela, le résultat des grandes idées.
Pendant trente ans, j'avais avancé dans une seule direction : en m'éloignant de mes parents. Je m'étais comporté comme le chien de Pavlov avec sa clochette : le réflexe conditionné me poussait à faire toujours le contraire de ce qu'ils voulaient. Dans cette fuite, je n'avais rien construit. Ni construit, ni semé, je serrais les poings, et ils étaient vides. Je n'avais plus aucune raison de les serrer puisque la cause de mon opposition avait disparu. Mon père et ma mère étaient morts, selon le cours naturel des choses. Le mouvement "contre" n'avait plus aucun sens. Autour de moi, il y avait soudain un grand vide. Il aurait fallu que naisse un mouvement "vers", mais vers quoi ? Même pour y penser, j'étais trop fatigué. Fatigué, de la fatigue vide de celui qui n'a rien fait, de celui qui a marché très longtemps sans avancer.
Il est passé de l'assoupissement à l'inconscience presque sans s'en apercevoir, un instant seulement il a ouvert les yeux, ils étaient éclairés par une lumière que je n'avais jamais vue. Je ne sais pas s'il se rendait compte de ma présence ; quoi qu'il en soit, avant de fermer les yeux pour toujours, il a souri avec douceur.
Alors, j'ai commencé à me conduire comme un enfant.
Je répétais "papa", je n'essayais en aucune manière de retenir mes larmes.
A un certain moment, la fille d'une malade hospitalisée s'est approchée de moi.
"Vous l'aimiez beaucoup, n'est-ce pas ? a-t-elle demandé, tâchant de me consoler.
- Non ! ai-je crié. Je le détestais. Je l'ai toujours détesté. C'est pour ça que je pleure."
"Après le coït, on est envahi par la tristesse", disait Andréa.
Je n'avais aucun mal à le croire ; l'idée d'un fils qui m'aurait regardé avec le même effroi avec lequel j'avais regardé mes parents était une excellente raison pour jurer une chasteté éternelle. La plupart du temps, mettre un enfant au monde ne signifie rien d'autre que perpétuer la chaîne de la douleur. Au fond, me disais-je, cette grande orgie de sexe est une sottise. La Bête choisit des chemins détournés, elle insinue dans le monde le brouillard de la confusion. Il n'est pas dit que tous les hommes doivent être égaux. C'est bon pour les animaux qui possèdent l'instinct, mais pas le jugement. Et même les animaux, d'ailleurs, ne peuvent pas le faire toujours, il y a la saison des amours. Une fois qu'elle est passée, il faut attendre que la terre accomplisse une autre révolution autour du soleil. Chez l'homme seulement, la luxure est perpétuelle. Ce devrait être la raison qui donne un sens aux choses, mais contre l'instinct, la raison est toujours perdante, et le monde avance ainsi, avec son cortège inévitable de misères et de regrets.