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Citations sur Le goût des orties (18)

Certains diront qu'un art entre en décadence quand il se fixe, s'emprisonne dans des formes stéréotypées.
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Kaname avait déjà, une dizaine d'années auparavant, assisté à une représentation du Bunraku de Goryo, mais sans y prendre le moindre intérêt, et n'en gardait que le souvenir de s'y être ennuyé. Il était venu, cette fois-ci, uniquement par un sentiment d'obligation, sans attendre grand-chose, sans se douter que peu à peu, à son insu, il serait conquis par ce monde irréel. "J'ai vieilli vite en dix ans", ne put-il s'empêcher de penser. "Je ne pourrai plus me moquer des manies du vieux monsieur de Kyôto. Dans dix ans, je suivrai peut-être le même chemin. Je viendrai au théâtre avec une maîtresse dans le genre d'O-hisa, en portant le nécessaire de fumeur accroché à la ceinture, et des provisions dans des boîtes de laque à tiroirs...Non, il ne me faudra même pas dix ans. Déjà dans ma jeunesse j'avais un fâcheux penchant à jouer les vieux ; il y a en moi une tendance à vieillir plus prononcée que chez les autres." Regardant les cheveux d'O-hisa, sur les tempes, et la ligne des joues pleines, il crut lui trouver quelque chose de commun avec Koharu, sur la scène ─ peut-être ce visage inexpressif. Ses réflexions lui inspirèrent des sentiments contradictoires. D'abord que l'âge apporte ses joies et ses plaisirs ; mais que c'est déjà signe d'âge que de penser ainsi. Or Misako et lui désiraient divorcer justement afin de retrouver la jeunesse dans la liberté. S'il voulait entretenir sa résistance intime contre sa femme, il ne s'agissait pas de se laisser vieillir.
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Son foyer vide lui était insupportable lorsque Misako était sortie. Les cloisons mobiles, la décoration du tokonoma, les arbres dans le jardin restaient identiques, et pourtant la désolation s'abattait soudain sur la maison. Elle avait été édifiée par le propriétaire précédent, un ou deux ans seulement avant que Kaname vienne s'établir dans le Kansai et l'achète. Le petit salon japonais y avait été ajouté à ce moment-là. Dans cette pièce qu'il voyait chaque jour, les piliers en beau pin de Kitayama et en cèdre du Liban commençaient, sans qu'il y eût pris garde, et sans qu'on les eût particulièrement astiqués, à se patiner d'eux-mêmes. Ils acquéreraient bientôt cette dignité des choses anciennes qui plaisaient au vieillard de Kyôto. Kaname, de sa position couchée, contemplait cette patine comme s'il l'apercevait pour la première fois. Il regardait aussi le guéridon bas du tokonoma, sur lequel retombaient en grappes des branches fleuries de kerrie ; le bois de la galerie, qui réfléchissait la lumière extérieure comme un miroir d'eau. Malgré la vie agitée qu'elle menait en ce moment, sa femme n'oubliait pas d'apporter de temps à autre dans le salon le reflet des saisons, et même si de tels soins n'étaient répétés que par habitude, sinon par inertie, Kaname imaginait mal le jour où il n'y aurait plus de fleurs dans la maison. Songeant à ce bois patiné par le temps qu'il voyait matin et soir, il éprouva un sentiment triste pour son ménage qui n'avait pourtant d'un ménage que le nom.
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- Alors il va falloir se mettre sur les nattes ? Quel ennui. Après, j'aurai certainement mal aux genoux.
- C'est inévitable dans les lieux que fréquentent les esthètes de la vieille garde. Ton père n'était pas comme cela autrefois. Il fut un temps où il aimait le cinéma. Mais avec l'âge, ses manies deviennent de plus en plus prononcées. J'ai lu quelque part que les vieux noceurs prennent goût aux antiquités, sur le tard. Manier les objets de la cérémonie du thé, les rouleaux de peinture ou de calligraphie, leur fournirait un exutoire pour la libido.
- Mais mon père n'a encore renoncé à rien. O-hisa l'accompagne toujours.
- C'est une manifestation de son goût pour les antiquités. Elle serait tout à fait à sa place dans un musée de poupées.
- Si nous y allons, nous serons troublés par le spectacle de leurs amours.
- Qu'importe ; envisageons cela comme un devoir filial et préparons-nous à être troublés pendant une heure ou deux.
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« Est-ce vraiment fini, cette fois-ci ? Serais-je capable de ne pas y retourner ? » se demandait-il. Peut-être conservait-il une certaine rigueur morale, un fond d'honnêteté, même dans sa vie actuelle qu'on pouvait juger dissolue, car lui qui n'avait à ménager personne restait encore fidèle au rêve de sa jeunesse et aurait souhaité se consacrer à une seule femme. Les hommes qui peuvent négliger leur épouse et trouver des consolations ailleurs se tirent mieux d'affaire dans la vie et si Kaname avait pu prendre exemple sur eux, il aurait eu quelque chance d'éviter la scission avec Misako et de raccommoder son ménage. Il n'éprouvait ni fierté ni gêne de ce trait de caractère qu'il attribuait plutôt à un excès d'égoïsme ou de pruderie qu'à un sens moral élevé. Mais n'était-ce pas une contradiction intolérable que de ne pouvoir trouver à celle qu'il avait choisie pour compagne de son existence, la moitié de l'attrait qu'avait pour lui une femme comme Louise, née d'une autre race et d'un autre pays, et rencontrée par hasard sur le long chemin de sa vie ?
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J'ai lu quelque part que les vieux noceurs prennent goût aux antiquités, sur le tard. Manier les objets de la cérémonie du thé, les rouleaux de peinture ou de calligraphie, leur fournirait un exutoire pour la libido.
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Ils se regardaient droit dans les yeux, ce qui leur était exceptionnel. Le mari observait sa femme avec gêne. Lançant des ronds de fumée d'une mince cigarette à bout doré, elle masquait son embarras par une certaine rudesse. Sa façon de s'exprimer, ses jeux de physionomie ─ reflets peut-être de ses conversations avec Aso ─ se modifiaient à son insu. Lorsque Kaname voyait s'opérer sous ses yeux cette transformation, il ne pouvait s'empêcher de sentir, avec une acuité douloureuse, que Misako ne faisait plus partie de sa maison. Jusqu'ici, chacun des mots de cette femme, chacune de ses inflexions, portaient l'empreinte de sa famille ; or voici que peu à peu s'y substituaient des tournures nouvelles. Kaname, qui n'avait pas prévu que la tristesse des adieux lui viendrait de cette façon, imaginait le déchirement que lui causerait l'ultime scène désormais imminente. Mais à la réflexion, n'avait-elle pas déjà disparu de la face du monde, celle qui avait été sa femme ? La Misako qui se tenait devant lui n'était-elle pas entièrement renouvelée, détachée, sans qu'il s'en fût aperçu, de tous les liens du passé ? Il s'en affligeait, mais ce qu'il éprouvait devait être différent de ce qu'il est convenu d'appeler le regret. Peut-être avait-il à son insu déjà passé la dernière crise, celle qu'il appréhendait tant.
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Cette incapacité à prendre une décision, quand il était question qu'ils sortent ensemble, n'avait rien d'exceptionnel. Chacun essayant de se régler sur l'attitude de l'autre ─ comme si, tenant entre eux une bassine d'eau trop pleine, ils guettaient pour voir de quel côté elle déborderait ─ il arrivait que le soleil tombât sur leur incertitude. Ils s'apercevaient parfois, au bout d'un certain temps, que leurs désirs s'harmonisaient. Ce jour-là, Kaname avait l'impression qu'ils finiraient par sortir. Néanmoins, paralysé par sa nonchalance, et aussi par la perspective pénible de passer fût-ce une heure en tête-à-tête avec sa femme pendant le bref trajet jusqu'au théâtre de Dotombori, il attendait passivement un signe du destin. En outre, quoique Misako lui eût dit qu'elle se rendrait aussi bien à Suma le lendemain, elle avait peut-être un rendez-vous. Au fond, il préférait feindre de ne pas deviner ses préférences, car il se doutait bien qu'elle aimait mieux retrouver Aso que d'aller voir des marionnettes qui ne l'intéressaient pas.
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Les hommes qui ont le culte de la femme devraient garder le célibat - aucune ne peut leur plaire.
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Ce couple qui avait souffert dès le premier jour d'une sourde irritation, - analogue à celle que cause un fragment de nourriture coincé entre deux molaires -, s'ouvrit l'un à l'autre sans réticence pour la première fois en abordant le sujet de la séparation.
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