Citations sur Le Petit copain (34)
Ainsi s'écoulaient les jours. Des portes qui s'ouvraient, des portes qui se refermaient, des ombres qui plongeaient et s'élevaient. Le regard rapide d'Ida, quand Harriet courait pieds nus près d'une porte ouverte, était un bonheur intense, délicieux : l'amour. Ida ! Ses friandises préférées (les sucres d'orge ; la mélasse sur du pain de maïs froid) ; ses "émissions". Ses plaisanteries et ses réprimandes, les cuillerées de sucre pleines à ras bord se déversant comme de la neige au fond du verre de thé glacé. D'étranges vieilles chansons tristes qui montaient de la cuisine (ta maman ne te manque pas quelquefois, quelquefois ?) et les cris d'oiseaux dans la cour, tandis que les chemises blanches claquaient sur la corde à linge, les sifflements et les trilles, kit kit, kit kit, le doux tintement de l'argenterie polie qui se heurtait dans la bassine, la variété et le bruit de la vie même.
Elle ne s'intéressait pas aux livres dans lesquels les enfants grandissaient, car (dans la vie comme en littérature) ce processus entraînait un affaiblissement accéléré et inexplicable du caractère ; de façon totalement inattendue, les héros et les héroïnes renonçaient à leurs aventures pour un amour insipide, se mariaient et fondaient une famille, et, en général, se comportaient comme un troupeau de vaches.
Depuis qu'elle était petite, elle se passionnait pour l'archéologie : les tertres indiens, les cités en ruine, les pierres enfouies. Cela avait commencé par un intérêt pour les dinosaures qui avait évolué. Harriet, remarqua-t-on dès qu'elle eut l'âge de s'exprimer, ne s'intéressait pas aux dinosaures en eux-mêmes - ces brontosaures aux longs cils des dessins animés du samedi, qui se laissaient chevaucher, ou courbaient docilement l'échine pour servir de toboggan aux enfants -, pas même aux tyrannosaures hurlants ou aux ptérodactyles cauchemardesques. Ce qui l'intéressait, c'était qu'ils n'existaient plus.
Peut-être n'était-ce qu'une légende. Peut-être Jésus lui-même n'était-il pas ressuscité des morts, bien que tout le monde affirmât le contraire; mais s'Il avait vraiment fait rouler le rocher pour se relever vivant de sa tombe, pourquoi son frère, quelle voyait tous les dimanches resplendir à Ses côtés, ne l'avait-il pas imité? C'était la plus grande obsession de Harriet, et celle qui engendrait toutes les autres. Car ce qu'elle voulait - plus encore que Tribulation, plus que tout - c'était ramener son frère auprès d'elle. Et ensuite, découvrir qui l'avait tué.
...le chagrin de sa mère était un reproche constant, et elle s'en sentait vaguement responsable. (p.461)
Gagnée par un sentiment de plus en plus noir et désespéré, Edie écoutait. A quoi bon se battre ? Elle était - comme son père - une vieille païenne stoïque ; bien qu'elle allât à l'église par devoir social et civique, elle ne croyait pas un seul mot de ce qui s'y disait.
Savoir que c'était inévitable ("simplement une étape naturelle de la croissance !") n'était pas plus réconfortant que la certitude de mourir un jour. La mort, du moins, était empreinte de dignité : elle mettait un terme au déshonneur et au chagrin.
« La mort – disaient-ils tous – était un rivage heureux. Sur les vieilles photographies de bord de mer, ses parents étaient de nouveaux jeunes, et Robin se trouvait avec eux. […] C’était un rêve où tout le monde était sauvé. Mais c’était un rêve de la vie passée, et non d’une vie à venir. » (p. 442)
« À l’école, il y avait beaucoup de filles plus jolies que Harriet, et plus gentilles. Mais aucune n’était aussi intelligente ni aussi courageuse. » (p. 125)
« Daniel Ratliff était coupable, elle en était sûre, c’était un fait indiscutable. La seule explication qui eût un sens. Elle était sûre qu’il avait commis ce crime, même si personne ne le savait. » (p. 586)