Chaque fois que Robin se rendait quelque part - en classe, chez un ami, ou chez Edie pour passer l'après-midi avec elle - il avait toujours pris soin de la saluer longuement, avec tendresse, selon un cérémonial particulier. Mille souvenirs lui revenaient, de petits mots écrits par lui, de baisers envoyés par la fenêtre, de sa main s'agitant vers elle depuis le siège arrière de voitures qui démarraient : au revoir ! au revoir ! Quand il était bébé, il avait appris à dire au revoir bien avant bonjour, c'était sa manière d'accueillir et de quitter les gens. Ce jour là, il n'y avait pas eu d'au revoir, et Charlotte jugeait cela singulièrement cruel. Trop distraite, elle n'avait gardé aucun souvenir précis des derniers mots qu'elle avait échangés avec Robin, ni même la dernière fois qu'elle l'avait vu, alors qu'elle avait besoin d'un élément concret, d'un souvenir ultime qui la prendrait par la main et l'accompagnerait - dans l'obscurité où elle titubait à présent - à travers le désert de l'existence qui se déployait soudain devant elle, entre le moment présent et la fin de la vie.
...
"Nous n'étions pas destinés à le garder, chérie. Il ne nous a jamais appartenu. Nous avons eu de la chance de l'avoir auprès de nous ces quelques années."
...
Elle songea que Libby avait dit la vérité. Et que, d'une étrange manière, depuis sa plus tendre enfance, Robin avait passé toute sa vie à essayer de lui dire au revoir. (p.20)
Voilà la vérité, poursuivit-il. Nous devons être prêts à mourir pour Lui, qui était prêt à mourir pour nous. Et quand nous ramassons le serpent mortel pour le manipuler en Son nom, montrons amour pour Lui, exactement comme Il nous a montré le Sien.
Harriet ferma les yeux et posa son visage dans la chaleur moite du cou d'Ida, qui sentait les clous de girofle, le thé, la fumée du feu de bois, et un parfum aigre-doux et duveteux, très particulier, qui était pour Harriet l'arôme de l'amour.
Il y a six ans, Tatty a jeté à cet endroit quelques-uns de tes cornichons, et depuis rien n'y a repoussé. » La fillette proposait de mettre les cornichons en bocal et de les vendre comme désherbant. Libby deviendrait milliardaire.
Nous n'étions pas destinés à le garder, chérie. Il ne nous a jamais appartenu. Nous avons eu de la chance de l'avoir auprès de nous ces quelques années.
Le temps était brisé. La façon dont Harriet avait l'habitude de le mesurer avait disparu. Avant, Ida avait été la planète dont l'orbite indiquait les heures, et sa trajectoire brillante, fiable (la lessive le lundi et le raccommodage le mardi, les sandwiches l'été et la soupe l'hiver) régissait tous les aspects de l'existence de Harriet. Les semaines tournaient autour d'elle en procession, chaque journée était une série d'horizons successifs. Le mardi matin, Ida installait la planche à repasser et repassait près de l'évier, la vapeur s'échappant du fer monolithique ; le jeudi après-midi, hiver comme été, elle secouait les tapis, les battait et les suspendait dehors, de telle sorte que le tapis rouge de Turquie accroché à la balustrade du porche était un drapeau qui annonçait toujours "nous sommes jeudi".
Pourquoi était-elle si pleine de haine ? Pourquoi ne pouvait-elle pas faire ce que les autres attendaient d'elle ?
- Eh bien, c’est une attitude très prétentieuse, observa Eddie. Haïr le monde. Le monde s’en moque.
C'était pathétique aujourd'hui, de songer à l'impatience avec laquelle il avait attendu sa libération, comptant les jours qui le séparaient de son retour à la maison, parce qu'il n'avait pas compris alors (et il valait mieux l'ignorer) qu'une fois qu'on était en prison, on n'en sortait plus jamais. Les gens vous traitaient comme quelqu'un de différent; vous tendiez à récidiver, de la même façon que les personnes touchées par la malaria ou l'alcoolisme tendaient à rechuter. La seule façon de s'en sortir était de partir dans un endroit où personne ne vous connaissait ni vous, ni votre famille, et d'essayer de repartir de zéro.
C'était pathétique aujourd'hui, de songer à l'impatience avec laquelle il avait attendu sa libération, comptant les jours qui le séparaient de son retour à la maison, parce qu'il n'avait pas compris alors (et il valait mieux l'ignorer) qu'une fois qu'on était en prison, on n'en sortait plus jamais. Les gens vous traitaient come quelqu'un de différent; vous tendiez à récidiver, de la même façon que les personnes touchées par la malaria ou 'alcoolisme tendaient à rechuter. La eule façon de s'en soretir éta