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Critique de MaxSardane


Il y a une ambiance froide dans les romans de Vincent Tassy que j'ai particulièrement ressentie ici. Comme souvent avec les romans de cet auteur, je n'arrive pas bien à savoir si j'ai adoré ou trouvé ça franchement déplaisant. Cet effet me rappelle celui que m'avait fait La Sève et le Givre de Léa Silhol la première fois que je l'avais lu : j'avais trouvé le roman long, précieux et glacial, mais une fois terminé, il m'avait tellement fasciné que j'ai eu envie de le relire encore et encore, l'appréciant chaque fois un peu plus. Au début, j'ai eu l'impression que ce roman de Tassy allait me faire le même effet. La plume, particulièrement belle ici (où elle est moins alambiquée que dans d'autres oeuvres de l'auteur), n'est pas étrangère au charme suranné et légèrement aigre qui se dégage de ce bouquin, qui fait grimacer et sourire comme une prune au vinaigre.

L'histoire n'est pas passionnante, mais tient suffisamment en haleine pour qu'on ait envie de savoir la suite (avouons-le, surtout au début). le roman nous présente toute une galerie de personnages hantés, brisés par les traumatismes, qui vont trouver une forme de rédemption ou au contraire de torture supplémentaire en croisant la route des deux vampires. Vampire : le monstre n'est jamais nommé, mais on sait qu'il est là, et ce qu'il est. C'est un vampire à la fois fascinant et répugnant, à l'image d'Athalie, la « dame en noir », dont la description au château des Lormont a quelque chose de l'horreur :
« Elle portait une robe monumentale de velours noir — son corps, où s'arrêtait-il, où commençaient les ombres ? — à manches bouffantes, basquine et vertugadin, et son visage semblait une grosse lune cérusée par-dessus cette enflure d'étoffes. Elle avait ce genre de laideur qui donne froid, qui laisse à bout de souffle : une laideur sensationnelle, fabuleuse, comme une forêt de sapins où la foudre est tombée. » (p. 126)

On suit donc le destin croisé de plusieurs personnages : un nobliau sans argent condamné à un mariage sans amour au 19° siècle (Egmont), une comtesse sadique (Athalie) qui tient sous sa coupe un mystérieux jeune homme aux cheveux blancs au 17° (Adriel), une post-ado gothique dépressive fan d'opéra (Rachel), à l'aube de rencontrer son idole (Cléopâtre), et une éditrice de romance née dans un corps de garçon (Parascève). Leurs trames de vie, qui au début semblent n'avoir aucun rapport entre elles, vont finir par se rencontrer.

Si la première partie est assez intéressante (notamment la trame d'Egmont, un personnage pathétique qui donne envie de le baffer et de le serrer dans les bras), le dernier quart est franchement lassant. Des répétitions, des personnages qui surgissent pile au bon moment comme dans un vaudeville, des ellipses, des deus ex machina un peu trop énormes... L'intérêt du lecteur s'essouffle vite, et avec, sa suspension d'incrédulité. Mais le plus grave à mon sens, c'est que les situations — et les personnages — se ressemblent toutes. La « méchante », absolument increvable, revient dix mille fois (un vrai Terminator), et j'ai longtemps confondu Rachel et Parascève (en lisant les avis sur ce roman, je me suis rendu compte d'ailleurs que je n'étais pas la seule). La révélation sur Cléopâtre m'a paru dure à avaler, et j'ai perdu tout intérêt pour ce personnage qui pourtant me paraissait le plus intrigant de la bande une fois que j'ai su qui elle était (en partie parce que je n'y croyais pas). le personnage coréen paraît catapulté dans le roman pour cocher des cases, tout comme Shéhérazade et Montserrat, les copines « exotiques » de Parascève (au passage, Montserrat est un prénom plus catalan qu'andalou).

La nature du mystère d'Adriel, le personnage qui provoque indirectement toutes les catastrophes décrites dans ce bouquin, est à peine effleurée, et complètement sous-exploitée. C'est d'ailleurs le reproche principal que je ferais à ce roman : on nous inflige des pages et des pages d'auto-apitoiement (les dialogues perchés et larmoyants d'Athalie, c'est drôle au début, mais moins quand c'est TOUS les protas qui se la jouent comme ça) et de situations répétitives, mais on passe très vite sur des choses très importantes (le massacre de toute une famille, la fin du monde...) et qui pourraient être intéressantes. Plusieurs fois, j'ai levé les yeux au ciel face au côté abracadabrant des situations et des réactions qu'elles suscitent. Pour moi, donc, ce Vincent Tassy n'est clairement pas une réussite, et il a, en fait, tous les défauts que l'on retrouvait, noyés sous le sublime, dans Apostasie et Diamants. Sauf que la beauté des deux derniers faisait aisément oublier ces longueurs.

Reste la langue, véritablement magnifique. Et quelques passages ciselés, des phrases qui donnent envie de les souligner, comme celle-ci : « Nous étions trop jeunes pour avoir des raisons d'être tristes, alors nous étions tristes pour rien. » (p. 138). Malheureusement, pour moi, ces aphorismes ne suffisent pas à sauver le bouquin cette fois. Il possède malgré tout le charme gothique de tous les Vincent Tassy (si je continue à le lire, il y a bien une raison !) et m'aura même donné envie de lire Barbara Cartland. C'est dire...
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