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Critique de gatsbi


« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »
Telle est la troisième de loi de Clarke, et ce roman l'illustre à merveille, comme le souligne très justement la présentation de l'auteur en 2e de couverture.

SF ou Fantasy ?
Prenant au mot son illustre aîné (le dernier ?) et compatriote, Adrian Tchaikovsky, par ailleurs lauréat du prix Clarke 2016, semble s'être fixé pour objectif premier de mettre en défaut les maniaques de l'étiquette, les puristes du genre.
Ce texte repose ainsi sur un équilibre subtil entre les deux genres majeurs de l'Imaginaire. Et pour balayer définitivement les arguments des classifieurs les plus endurcis, l'auteur a sorti sa botte secrète, un coup imparable : se servant de la troisième loi de Clarke comme d'un cheval de Troie, il fait entrer la question – technologie ou magie ? – à l'intérieur même de l'histoire, de son intrigue principale ! Un coup de maître ou… serait-ce de la magie ?


La forme du texte est parfaitement adaptée au propos : une succession de paragraphes alternant les points de vue des deux principaux protagonistes : la princesse Lynesse (une référence au cycle Lyonesse de Vance ?) et le l'anthropologue Nyr.
La narration reste simple et linéaire, étant donné que les personnages sont ensemble du début à la fin.
Quand Lynesse raconte, on a le point de vue Fantasy, car pour elle et son peuple, le comportement de Nyr et ses actions relèvent de la magie.
Quand c'est Nyr qui raconte, on a le point de vue Science-Fiction.
Mais, comme je l'ai dit, ce n'est pas qu'une question de point de vue narratif : le thème est intégré à l'intrigue, car les personnages débattent de leurs divergences de point de vue. Par ce dialogue et par les épreuves qu'ils vont traverser ensemble, il vont également faire évoluer leur compréhension. Tout simplement fascinant !


L'histoire se déroule sur une planète ayant traversé deux périodes de colonisation humaine : la première dont est issue Lynesse et son peuple, et la deuxième, plus récente, dont Nyr est le dernier représentant.
Ce contexte permet à l'auteur de développer naturellement son idée.
Le thème de la double colonisation est riche en possibilités. Sigbjørn Skåden en donne un bel exemple dans sa nouvelle « Oiseau ». le propos est différent, mais on a ce même fossé générationnel qui est exploité, et qui dans les deux cas fait particulièrement ressortir la naïveté chez les premiers colons.


Dans les thèmes développés et la façon de les traiter, on est assez proche de ce que propose un Jean-Michel Calvez : la colonisation, la compréhension de l'autre, le point de vue anthropologique...
L'idée de la régulation des hormones (le Système de Dissonance Cognitive) pour atteindre une « objectivité maximale », mais aussi pour gérer la douleur, est particulièrement développée. On la retrouve aussi dans l'un des derniers romans de Calvez : Aliénations.

La dimension psychologique est omniprésente. Nyr et Lynesse se heurtent constamment à la barrière culturelle qui les sépare, et les connaissances anthropologiques de Nyr s'avèrent finalement peu utiles. Beaucoup de finesse dans le rendu de cette confrontation et des ressentis. J'ai retrouvé un peu l'ambiance de la Main gauche de la nuit, d'Ursula K. Le Guin.
C'est aussi une belle histoire humaine.


Enfin, difficile de ne pas dire un mot sur l' « adversaire » auquel sont confrontés nos héros dans cette histoire. En même temps, je ne veux pas trop en dire car ce serait un peu gâcher le plaisir de la découverte. Disons que cet adversaire est assez étonnant. Il détonne autant pour de la SF que de la Fantasy. Cela ressemble à ce qu'on trouve dans Annihilation, de Jeff VanderMeer. J'avoue que le manque d'explications m'a gêné, mais après réflexion on comprend très bien ce choix si l'on suit la logique de l'auteur sur ce point, qui est assez bien vu et donne encore plus de relief au propos.


Petit bémol, j'ai trouvé l'écriture pas toujours très précise, m'obligeant à relire certains passages plusieurs fois afin d'être sûr de comprendre ce qui était dit. Or, entre quiproquos, monologues intérieurs et expression des sentiments, beaucoup de choses sont dites, et de manière souvent assez élaborée. Pour rester positif et selon la formule consacrée, je dirais que c'est une lecture exigeante (pour ce type de roman). de bons points malgré tout, comme cette idée des épithètes qui rend assez bien et joliment l'exotisme de la culture de Lynesse.
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