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Citations sur Les Oeuvres de Maître Tchouang (24)

 
 
   Les arbres de la montagne sont leur propre bourreau, la graisse de la chandelle se consume d’elle-même. Le cannelier est comestible : il est écorcé ; l’arbre à laque est utile : il est incisé. Les hommes connaissent tous l’utilité de l’utile, mais aucun ne connaît l’utilité de l’inutile.


/traduction de Jean Levi
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   Ceux qui ne savent pas s’arrêter galopent même assis.


/traduction de Jean Levi
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Entretien du principe vital.

A. L’énergie vitale est limitée. L’esprit est insatiable. Mettre un instrument limité à la discrétion d’un maître insatiable, c’est toujours périlleux, c’est souvent funeste. Le maître usera l’instrument. L’effort intellectuel prolongé, exagéré, épuisera la vie. — Se tuer à bien faire pour l’amour de la gloire, ou périr pour un crime de la main du bourreau, cela revient au même ; c’est la mort, pour cause d’excès, dans les deux cas. Qui veut durer, doit se modérer, n’aller jusqu’au bout de rien, toujours rester à mi-chemin. Ainsi pourra-t-il conserver son corps intact, entretenir sa vie jusqu’au bout, nourrir ses parents jusqu’à leur mort, durer lui-même jusqu’au terme de son lot.


B. Le boucher du prince Hoei de Leang dépeçait un bœuf. Sans effort, méthodiquement, comme en mesure, son couteau détachait la peau, tranchait les chairs, disjoignait les articulations. — Vous êtes vraiment habile, lui dit le prince, qui le regardait faire. — Tout mon art, répondit le boucher, consiste à n’envisager que le principe du découpage. Quand je débutai, je pensais au bœuf. Après trois ans d’exercice, je commençai à oublier l’objet. Maintenant quand je découpe, je n’ai plus en esprit que le principe. Mes sens n’agissent plus ; seule ma volonté est active. Suivant les lignes naturelles du bœuf, mon couteau pénètre et divise, tranchant les chairs molles, contournant les os, faisant sa besogne comme naturellement et sans effort. Et cela, sans s’user, parce qu’il ne s’attaque pas aux parties dures. Un débutant use un couteau par mois. Un boucher médiocre, use un couteau par an. Le même couteau me sert depuis dix-neuf ans. Il a dépecé plusieurs milliers de bœufs, sans éprouver aucune usure. Parce que je ne le fais passer que là où il peut passer. — Merci, dit le prince Hoei au boucher ; vous venez de m’enseigner comment on fait durer la vie, en ne la faisant servir qu’à ce qui ne l’use pas.


C. L’affliction est une autre cause d’usure du principe vital. Omettant les sujets d’affliction moindres, Tchoang-tzeu en indique trois graves, communs en son temps de luttes féodales, les mutilations légales, l’exil, la mort. — Se résigner à la mutilation, comme le secrétaire du prince de Leang, auquel on avait coupé un pied, et qui ne reprochait pas sa mutilation à son maître, mais se consolait en pensant qu’elle avait été voulue par le ciel. — Se résigner à l’exil, comme le faisan des marais, qui vit content dans son existence besogneuse et inquiète, sans désirer l’aisance d’une volière. — Se résigner à la mort, parce qu’elle n’est qu’un changement, souvent en mieux. Quand Lao-tan fut mort, Ts’inn cheu étant allé le pleurer, ne poussa, devant son cercueil, que les trois lamentations exigées de tout le monde par le rituel. Quand il fut sorti : n’étiez vous pas l’ami de Lao-tan ? lui demandèrent les disciples... Je le fus, dit Ts’inn cheu... Alors, dirent les disciples, pourquoi n’avez-vous pas pleuré davantage ?.. Parce que, dit Ts’inn cheu, ce cadavre n’est plus mon ami. Tous ces pleureurs qui remplissent la maison, hurlant à qui mieux mieux, agissent par pure sentimentalité, d’une manière déraisonnable, presque damnable. La loi, oubliée du vulgaire, mais dont le Sage se souvient, c’est que chacun vient en ce monde à son heure, et le quitte en son temps. Le Sage ne se réjouit donc pas des naissances, et ne s’afflige pas des décès. Les anciens ont comparé l’homme à un fagot que le Seigneur fait (naissance) et défait (mort)[1]. Quand la flamme a consumé un fagot, elle passe à un autre, et ne s’éteint pas[2].
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Harmonie universelle.

A. Maître K’i[1] était assis sur un escabeau, les yeux levés au ciel, respirant faiblement. Son âme devait être absente[2]. — Étonné, le disciple You[3] qui le servait, se dit : Qu’est ceci ? Se peut-il que, sans être mort, un être vivant devienne ainsi, insensible comme un arbre desséché, inerte comme la cendre éteinte ? Ce n’est plus mon maître. — Si, dit Ki, revenant de son extase, c’est encore lui. J’avais seulement, pour un temps, perdu mon moi[4]. Mais que peux-tu comprendre à cela, toi qui ne connais que les accords humains, pas même les terrestres, encore moins les célestes ? — Veuillez essayer de me faire comprendre par quelque comparaison, dit You — Soit, dit maître K’i. Le grand souffle indéterminé de la nature s’appelle vent. Par lui-même le vent n’a pas de son. Mais, quand il les émeut, tous les êtres deviennent pour lui comme un jeu d’anches. Les monts, les bois, les rochers, les arbres, toutes les aspérités, toutes les anfractuosités, résonnent comme autant de bouches, doucement quand le vent est doux, fortement quand le vent est fort. Ce sont des mugissements, des grondements, des sifflements, des commandements, des plaintes, des éclats, des cris, des pleurs. L’appel répond à l’appel. C’est un ensemble, une harmonie. Puis, quand le vent cesse, tous ces accents se taisent. N’as-tu pas observé cela, en un jour de tempête ? — Je comprends, dit You. Les accords humains sont ceux des instruments à musique faits par les hommes. Les accords terrestres sont ceux des voix de la nature. Mais les accords célestes, maître, qu’est-ce ? — B. C’est, dit maître K’i, l’harmonie de tous les êtres, dans leur commune nature, dans leur commun devenir. Là, pas de contraste, parce que pas de distinction. Embrasser, voilà la grande science, la grande parole. Distinguer, c’est science et parler d’ordre inférieur. — Tout est un. Durant le sommeil, l’âme non distraite s’absorbe dans cette unité ; durant la veille, distraite, elle distingue des êtres divers. — Et quelle est l’occasion de ces distinctions ? Ce qui les occasionne, ce sont l’activité, les relations, les conflits de la vie. De là les théories, les erreurs. Du tir à l’arbalète fut dérivée la notion du bien et du mal. Des contrats fut tirée la notion du droit et du tort[5]. On ajouta foi à ces notions imaginaires ; on a été jusqu’à les attribuer au Ciel. Impossible désormais d’en faire revenir les humains. Et cependant, oui, complaisance et ressentiment, peine et joie, projets et regrets ; passion et raison, indolence et fermeté, action et paresse, tous les contrastes, autant de sons sortis d’un même instrument, autant de champignons nés d’une même humidité, modalités fugaces de l’être universel. Dans le cours du temps, tout cela se présente. D’où est-ce venu ? C’est devenu ! C’est né, entre un matin et un soir, de soi-même, non comme un être réel, mais comme une apparence. Il n’y a pas d’êtres réels distincts. Il n’y a un moi, que par contraste avec un lui. Lui et moi n’étant que des êtres de raison, il n’y a pas non plus, en réalité, ce quelque chose de plus rapproché qu’on appelle le mien, et ce quelque chose de plus éloigné qu’on appelle le tien. — Mais qui est l’agent de cet état de choses, le moteur du grand Tout ?.. Tout se passe comme s’il y avait un vrai gouverneur, mais dont la personnalité ne peut être constatée. L’hypothèse expliquant les phénomènes est acceptable, à condition qu’on ne fasse pas, de ce gouverneur universel, un être matériel distinct[6]. Il est une tendance sans forme palpable, la norme inhérente à l’univers, sa formule évolutive immanente. Les normes de toute sorte, comme celle qui fait un corps de plusieurs organes[7] , une famille de plusieurs personnes, un état de nombreux sujets, sont autant de participations du recteur universel ainsi entendu. Ces participations ne l’augmentent ni ne le diminuent, car elles sont communiquées par lui, non détachées de lui. Prolongement de la norme universelle, la norme de tel être, qui est son être, ne cesse pas d’être quand il finit. Elle fut avant lui, elle est après lui, inaltérable, indestructible. Le reste de lui ne fut qu’apparence. — C’est de l’ignorance de ce principe que dérivent toutes les peines et tous les chagrins des hommes, lutte pour l’existence, crainte de la mort, appréhension du mystérieux au delà. L’aveuglement est presque général, pas universel toutefois. Il est encore des hommes, peu nombreux, que le traditionalisme conventionnel n’a pas séduits, qui ne reconnaissent de maître que leur raison, et qui, par l’effort de cette raison, ont déduit la doctrine exposée ci-dessus, de leurs méditations sur l’univers. Ceux là savent qu’il n’y a de réel que la norme universelle. Le vulgaire irréfléchi croit à l’existence réelle de tout. L’erreur moderne a noyé la vérité antique. Elle est si ancrée, si invétérée, que les plus grands sages au sens du monde, U le Grand y compris[8] , en ont été les dupes. Pour soutenir la vérité, je me trouve presque seul.


C. Mais, me dira-t-on, si tout est un, si tout se réduit à une norme unique, cette norme comprendra simultanément la vérité et l’erreur, tous les contraires : et si les faits dont les hommes parlent sont irréels, la parole humaine n’est donc qu’un vain son, pas plus qu’un caquetage de poule. — Je réponds, non, il n’y a d’erreur dans la norme, que pour les esprits bornés ; oui, les distinctions des disciples de Confucius et de Mei-tzeu ne sont que de vains caquets. — Il n’y a, en réalité, ni vérité ni erreur, ni oui ni non, ni autre distinction quelconque, tout étant un, jusqu’aux contraires. Il n’y a que des aspects divers, lesquels dépendent du point de vue. De mon point de vue, je vois ainsi ; d’un autre point de vue, je verrais autrement. Moi et autrui sont deux positions différentes, qui font juger et parler différemment de ce qui est un. Ainsi parle-t-on de vie et de mort, de possible et d’impossible, de licite et d’illicite. On discute, les uns disant oui, et les autres non. Erreurs d’appréhension subjectives, dues au point de vue. Le Sage, au contraire, commence par éclairer l’objet avec la lumière de sa raison. Il constate d’abord que ceci est cela, que cela est ceci, que tout est un. Il constate ensuite qu’il y a pourtant oui et non, opposition, contraste. Il conclut à la réalité de l’unité, à la non réalité de la diversité. Son point de vue à lui. c’est un point, d’où ceci et cela, oui et non, paraissent encore non distingués. Ce point est le pivot de la norme. C’est le centre immobile d’une circonférence, sur le contour de laquelle roulent toutes les contingences, les distinctions et les individualités ; d’où l’on ne voit qu’un infini, qui n’est ni ceci ni cela, ni oui ni non. Tout voir, dans l’unité primordiale non encore différenciée, ou d’une distance telle que tout se fond en un, voilà la vraie intelligence. — Les sophistes se trompent, en cherchant à y arriver par des arguments positifs et négatifs, par voie d’analyse ou de synthèse. Ils n’aboutissent qu’à des manières de voir subjectives, lesquelles, additionnées, forment l’opinion, passent pour des principes. Comme un sentier est formé par les pas multipliés des passants, ainsi les choses finissent par être qualifiées d’après ce que beaucoup en ont dit. C’est ainsi, dit-on, parce que c’est ainsi ; c’est un principe. Ce n’est pas ainsi, dit-on, parce que ce n’est pas ainsi ; c’est un principe. En est-il vraiment ainsi dans la réalité ? Pas du tout. Envisagées dans la norme, une paille et une poutre, un laideron et une beauté, tous les contraires sont un. La prospérité et la ruine, les états successifs, ne sont que des phases ; tout est un. Mais ceci, les grands esprits seuls sont aptes à le comprendre. Ne nous occupons pas de distinguer, mais voyons tout dans l’unité de la norme. Ne discutons pas pour l’emporter, mais employons, avec autrui, le procédé de l’éleveur de singes. Cet homme dit aux singes qu’il élevait : je vous donnerai trois taros le matin, et quatre le soir. Les singes furent tous mécontents[9]. Alors, dit-il, je vous donnerai quatre taros le matin, et trois le soir. Les singes furent tous contents. Avec l’avantage de les avoir contentés, cet homme ne leur donna en définitive par jour, que les sept taros qu’il leur avait primitivement destinés. Ainsi fait le Sage. Il dit oui ou non, pour le bien de la paix, et reste tranquille au centre de la roue universelle, indifférent au sens dans lequel elle tourne.


D. Parmi les anciens, les uns pensaient que, à l’origine, il n’y eut rien de préexistant. C’est là une position extrême. — D’autres pensèrent qu’il y eut quelque chose de préexistant. C’est là la position extrême opposée. — D’autres enfin pensèrent qu’il y eut quelque chose d’indistinct, de non différencié. C’est là la position moyenne, la vraie. — Cet être primordial non-différencié, c’est la norme. Quand on imagina les distinctions, on ruina sa notion. Après les distinctions, vinrent les arts et les goûts, impressions et préférences subjectives qui ne peuvent ni se définir ni s’enseigner. Ainsi les trois artistes, Tchao wenn, Cheu-k’oang, Hoei tzeu, aimaient leur musique, puisque c’était leur musique, qu’ils trouvaient différente de celle des autres, et supérieure, bien entendu. Eh bien, ils ne purent jamais définir en quoi consistaient cette différence et cette supériorité ; ils ne purent jamais enseigner à leurs propres fils à jouer comme eux. Car le subjectif ne se définit ni ne s’enseigne. Le Sage dédaigne ces vanités, se tient dans la demi-obscurité de la vision synthétique, se contente du bon sens pratique.


E. Vous dites, m’objecte-t-on, qu’il n’y a pas de distinctions. Passe pour les termes assez semblables ; mettons que la distinction entre ceux-là n’est qu’apparente. Mais les termes absolument opposés, ceux-là comment pouvez-vous les réduire à la simple unité ? Ainsi, comment concilier ces termes : origine de l’être, être sans origine, origine de l’être sans origine ; et ceux-ci : être et né
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