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Critique de Liseronne


Après Homère, voici Tesson sur les traces d'un nouveau mythe de la littérature Rimbaud, l'homme aux semelles de vent qui ne pouvait que plaire à un dromomane comme lui. Là s'arrête bien sûr la comparaison. Et c'est peut-être le seul intérêt de ce livre qui pêche à mon avis par bien des aspects.
-Tesson, que je lis depuis longtemps, écrit plutôt bien, il a du vocabulaire, de la culture, manie bien la langue, a le sens de la formule. Ce talent peut devenir un piège comme c'est le cas ici où il se paie pas mal de mots. Son art de la jolie formule, au lieu de servir un propos, tourne à vide sur lui-même et ne veut à force plus rien dire, sans éviter même de sombrer dans le grotesque : "Aïe ! Rimbaud en état d'hyperesthésie est un transformateur électrique en surchauffe. Il saute. Paf !"
-Il est évident que Tesson ne comprend pas la poésie de Rimbaud (je parle de celle qui pose problème bien sûr...). Alors prenant prétexte de l'hermétisme de l'oeuvre pour affirmer que toutes les lectures se valent et qu'au fond on peut dire tout et n'importe quoi, il glose, il brode, il imagine. Des choses personnelles sans doute précieuses pour notre auteur mais qui n'ont pas grand intérêt pour le lecteur curieux de découvrir Rimbaud. Ainsi l'image du poète "la peau rongée par la boue et la peste..." dans la "Saison" lui suscite le souvenir d'un aïeul dans les tranchées de 14 ce qui évidemment n'a pas grand chose à voir. A ce compte chacun peut écrire SON Rimbaud... Tesson est la clé à molette de la littérature : il connaît tout mais n'est spécialiste de rien. Et avec un auteur aussi exigeant que Rimbaud, il montre ses limites.
-Des propos contradictoires : Tesson ironise sur les analyses des exégètes du poète mais lui que fait-il qu'ajouter une glose de plus, et qui est plus parfaitement inutile car souvent infondée et discutable ? Il prétend qu'il ne faut pas chercher de sens à cette oeuvre mais que fait-il pendant plus de 200 pages que réfléchir au sens qu'on peut tirer de la geste arthurienne ?
-Je regrette qu'il y ait si peu de citations. Même ce plaisir de lire Rimbaud (ce qu'il faut faire avant tout) nous est dénié dans ce livre qui fait la part belle à Tesson surtout.
En conclusion, je m'interroge sur l'intérêt de ce livre (sauf à alimenter la gloire de Tesson...) car il n'apporte rien de plus à la littérature rimbaldienne déjà fort abondante. Donc à part se faire plaisir, qu'a voulu prouver Tesson ? C'est juste très prétentieux, y compris quand il croit régler des comptes avec d'éminents critiques qui en savent plus que lui. Il n'échappe donc pas à un travers de notre époque (qu'il fustige tant par ailleurs...) qui est de s'autoproclamer expert en n'hésitant pas à traiter les spécialistes de cuistres et de pédants (ce qu'il est aussi souvent lui-même... mais sans avoir l'excuse du savoir !).
Comme à d'autres opus de cette série "Un été avec..." je fais ce reproche à ce livre : à qui s'adresse-t-il ? Si on ne connaît rien à Rimbaud, mieux vaut et pour le même prix s'offrir le beau "Rimbaud" des Découvertes Gallimard par Alain Borer : le propos est savant sans être lourd, cela fourmille d'informations et l'iconographie très riche est un plaisir supplémentaire. Et pour entrer dans l'oeuvre, rien ne vaut un de ces petits classiques à l'usage des étudiants, comme le Carré classique de chez Nathan ou le Folioplus consacrés aux "Illuminations"... Si on est déjà familier du poète, eh bien on n'apprend rien, bien au contraire, on reste dubitatif et sur sa faim. Restent les fans de Tesson sans doute - dont je faisais partie encore récemment mais mon admiration tiédit un peu en voyant l'évolution du personnage très soucieux de se mettre en scène en se servant des gloires établies. Comme dans son film sur Homère, on voit finalement plus Sylvain qu'Arthur dans ce livre... Bof bof... SI quelqu'un veut le livre, je le lui envoie gratuitement !
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