Ma mère ne gagne pas beaucoup d'argent, mais elle "n'aime pas la crasse".
- La propreté, c'est gratuit.
Je ne crains rien, ni personne, mais quand même, les autorités, moins on s'y frotte, mieux on se porte.
Il faut que je sorte. J'ai la fièvre acheteuse. Acheter quoi ? N'importe quoi. J'ai besoin d'avoir besoin de quelque chose.
Ces rues lyonnaises que je connaissais par cœur ont changé. Il m'arrive parfois de croiser un visage familier qui me rappelle ce qu'elles étaient. Je ne m'arrête presque jamais. La place des Terreaux, le musée d'Art moderne.
- Justement, maman en a marre d'être secondée par la famille. Elle veut se débrouiller seule, mettre fin à toute cette histoire.
Toutes ces choses qui font la vie lui sont étrangères. Cet homme n'est pas en vie. "Il" est un survivant.
Notre mère n'aura jamais de mari. Notre mère n'est pas une mère à mari. Elle sera, au mieux, une mère à copain qui fuira quand il verra trois filles.
La porte de la chambre de notre mère grince. Un homme va arriver du couloir ? L'inimaginable va se produire ?
Maman aussi, on dirait qu'elle va pleurer, je me dis, quand je la regarde à travers la vitre du car. Elle se tient toute droite, à l'écart des autres parents qui sourient. Ma mère n'est pas pareille. Ma mère n'a pas une tête de parent. Elle a une tête de notre mère. C'est tout.
La réaction de mes deux soeurs est loin de ce que j’avais imaginé. Elles touchent la photo. elles veulent voir chaque détail de cet homme immobile? N’y a-t-il pas dans cette photo un indice ? en approchant la photo, y aurait-il moyen d’entendre une voix ? Le sourire de la photo, si on le fixe longtemps, ne va-t-il pas se transformer en grimace terrifiante ? Le démon qui se cache dans cette photo va-t-il apparaître ? Combien de temps la photo peut-elle mentir ?