"Je vais aller me cacher derrière un nuage pour attendre
Louis XIV avec un gourdin" confie, avec humour alors qu'il agonise, Louis-Henri de Pardaillan marquis de Montespan à la petite fille de sa cuisinière.
C'est l'esprit de vengeance d'un cocu aux longues cornes, si longues qu'il en décora son carrosse,mais c'est aussi l'amour obsessionnel d'un "époux séparé mais inséparable" pour son épouse infidèle qui est "LA beauté" et devient la favorite de
Louis XIV qui nous sont contés, d' une verve toute pétillante par
Jean Teulé dans
le Montespan.
La bande dessinée
le Montespan de Philippe Bertrand (supervisée par
Jean Teulé et adaptée de son roman) donne déjà une bonne approche de ce pan d'histoire du XVII° siècle où la volonté du Roi Soleil était inébranlable, où les courtisans serviles se pliaient à ses envies et où les jolies femmes remarquées se battaient pour subir ses assauts ponctuels et répétitifs, même s'il ne se lavait qu'une fois l'an. Dans
le Montespan de
Jean Teulé cette atmosphère hypocrite de cour (même
Molière se moque publiquement du célèbre cocu), de frivolité ("mode à la hurluberlu"),de rivalités sournoises est fort bien décrite.L'affaire des poisons, cette énigme historique (traitée dans moult romans par
Jean-Christian Petitfils,
Arlette Lebigre,
Paul Giniewski,
Arthur Ténor, Claude Quétal....) est abordée ici et montre la métamorphose de la douce Françoise "vorace de plaisirs" en une Athanaïs ambitieuse puis en une démone n'hésitant pas à sacrifier enfants ou rivales embarrassantes.
Jean Teulé campe dans son roman de beaux portraits psychologiques: La Montespan mauvaise mère,lubrique,fine d'esprit,prête à tout pour réussir,odieuse,exhibitionniste,superstitieuse,infidèle,manipulatrice,méprisante,
amorale,impatiente,repentante....malheureuse.
Le Montespan: amoureux,naïf au départ ("Vive le roi") car dans le déni,déconfit,désespéré,téméraire,extravagant,pitoyable,excessif,fidèle en amour et en amitié...noble coeur dont "la grandeur est pathétique".
Les décors, presque théâtraux, rendent fort bien l'ambiance de l'époque.D'ailleurs quelques illustrations en noir et blanc de ci de là viennent compléter le récit de l'auteur.
Enfin,"vertubleu!",malgré le côté un peu trop vert de certaines formules imagées,c'est dans la truculence du langage employé que
Jean Teulé (ex: "La Frette crache le beurre rance de ses chicots pourris au visage de Chalais",, "humain-oiseau au long plumage et oeil crevé par la contamination des putes dans les bordels", "se rôtir le balai dans ma fille"..),transmet au lecteur ce petit chef d'oeuvre qu'est
le Montespan qui montre que l'amour peut-être éternel mais que la pourriture l'est aussi.
Petit rappel:
Jean Teulé, auteur connu et reconnu à l'ironie mordante (dont le sanglant
Charly 9 est irrévérencieux), a reçu pour
le Montespan le prix des Maisons de la Presse 2008. Un prix largement mérité!