Son isolement social lui inspire, chaque fois qu'il revient squatter son humeur, un sentiment douloureux. Ce n'est pourtant pas de sa faute s'il est solitaire ; il n'est ni grincheux ni méchant ni asocial ni... encore que, l'honnêteté intellectuelle l'oblige à reconnaître qu'il doit quand même avoir sa part de responsabilité.
La collégienne n'avait jamais parlé à quiconque de ce qu'elle vivait au quotidien, dans cette si jolie maison et cette famille si convenable. C'était un secret intime. Plus que cela même, un sujet tabou qu'il eût été blasphématoire d'évoquer sous peine d'être voué aux flammes de l'enfer, en l'occurrence aux foudres du père.
Le lundi suivant, dès qu'il aperçoit son amie Kiro dans la cour du collège, à la récréation de dix heures, Victor se précipite pour lui parler.
- Kiro, j'ai un truc à te demander.
- Je t’écoute.
- Si tu possédais des super capacités, comme une sorte de Batman, enfin Catwoman dans ton cas, qu est-ce que tu ferais avec ?
Et il lui décrit les cinq que lui confère sa nano-mutation. Elle le dévisage, perplexe d'abord, puis répond sur le ton de l'évidence :
⁃ Je ferais le bien évidemment. Quoi d'autre ? Quand on est bon à l’intérieur, si on en a les moyens, on ne doit faire que des bonnes choses, non ? Ce n est pas ce que tu penses ?
Ben si, c'est logique. Victor a enfin sa réponse. Et dire qu'il s'est tordu les méninges tout le week-end pour savoir comment devait se comporter un nano-mutant.
Dans 3 lignes, mon garçon, tu seras vert de peur, lit-il avec stupéfaction, car l'histoire que je m'apprête à te raconter à de quoi te congeler le sang. Mais avant, il faudrait créer l'ambiance; il y a trop de lumière ici.
J'avais le cœur durci par le gel de mes rancœurs.
Gaspard avait appris, notamment de son grand-père qui était un homme doux et sage, que la haine et la rancune sont les sentiments humains parmi les plus dangereux. Ils agissent comme des parasites de l'âme. Ils rendent fou celui qui les nourrit. Ils sont comme des bombes à retardement sur lesquelles on s'assoit en croyant bêtement que c'est l'autre, l'ennemi à abattre, qui sera détruit.
- Au commencement, attaqua-t-il, Dieu a dit : "il y aura des Elie et il y aura des Mourad. Les Elie seront gentils et raisonnables. Les Mourad seront agressifs et idiots."
- Non. Dieu a dit : " Si tu essaies de causer avec un Elie, il commencera par t'insulter et tu t'apercevras très vite qu'il vaut mieux philosopher avec un âne."*
- D'accord. T'as raison, ce n'est pas correct. Je recommence : je crois qu'au début, avant le Big Bang, y avait rien.
lorsque cette minuscule langue de terre a émergé des flots aux temps géologiques, nul doute que la déesse Beauté et le dieu de la Douceur se sont penchés sur son berceau.
En somme, j'avais vécu des événements si extraordinaires que j'en étais devenu moi-même extraordinaire. Je dois avouer que cela finit par me faire complétement oublier certaines réalités qui n'auraient jamais dû quitter mon esprit. Jusqu'à ce qu'une fille me demande :
- Et ton copain Kyet, qu'est-ce qu'il est devenu?
Je suis le Maître du jeu, celui qui établit, expose et fait respecter les règles du jeu. [...] Je n'ai aucune espèce d'affectivité, pas d’émotionnel, aucun attachement culturel ni cultuel... en résumé pas la moindre humanité. Cela m'évite toute faiblesse dans mes jugements. La neutralité est mon credo, les lois du jeu mes seuls référents.