Ses pensées dérivaient vers un monde où les hommes ne pensaient pas comme des machines, où le mot « philosophie » avait encore un sens, où les hommes pouvaient ouvrir leur coeur et leur esprit dans toutes ses fluctuations et nuances possibles.
Malgré les quatre ans qui s’étaient écoulés, le docteur Trémo n’eut aucun mal à reconnaître les boucles rousses et le nez piqué de taches de rousseur de Milo.
Elle ne fut pas surprise non plus de le voir, un dictionnaire à la main, dans un coin, loin des enfants de son âge qui se tenaient à l’écart et le montraient parfois du doigt à leurs parents. Milo n’avait plus quatre ans, mais huit. Un âge où ce genre de comportement
ne passait plus pour de simples lubies. Elles devenaient pathologiques.
Inquiète, Sibelle contemplait son fils âgé de deux ans, assis sur le parquet en chêne massif de la salle d’attente du docteur Trémo. Non qu’il s’agît de la
première visite pédiatrique du petit Milo, non que l’enfant fût malade, mais, comme toutes les mères d’un premier-né, elle savait mal interpréter les signes
que lui envoyait son enfant et ne distinguait pas clairement ce qui était simplement normal ou tout bonnement inquiétant.
Il a un surdéveloppement de la parole, mais à cet âge, les enfants n’avancent pas tous à la même vitesse. Les choses commencent à s’harmoniser vers quatre ans. On fera le point dans deux ans. Veillez simplement à ne pas trop le stimuler et utilisez des mots et des phrases simples à la maison.
Sibelle ne chercha pas à le découvrir à la dérobée, elle le connaissait déjà. Elle attendait simplement le verdict : une mise en conditionnelle ou une mise à mort.
« Deux cents mots, fit Trémo, songeuse. C’est le double de la normale.
– Je ne me rends pas compte, hasarda timidement la mère. Cela fait combien en nombre de caractères ?
– Oh, oui ! excusez-moi. J’ai encore de vieux réflexes. Environ 800 caractères. La norme étant de 400 à son âge.