Bonjour, monsieur McCoy. Je ne vous embêterai pas longtemps. Je voulais simplement être la première à vous annoncer que mon fils, Saul, pourrait être le premier condamné innocenté grâce aux tests ADN surtout depuis que plusieurs condamnations prononcées par Ellis ont été cassées. Vous avez tué un innocent. Je le sais parce que, cette nuit-là, mon fils était avec moi, même si jamais personne ne m’a crue lors du procès et que la police a dissimulé toutes les preuves à décharge. Je peux vous assurer que le résultat de ces tests innocentera Saul. Vous l’avez bel et bien assassiné.
– Je ne faisais qu’exécuter la loi.
– Non, vous n’avez fait qu’exécuter mon fils. Un gamin innocent.
– C’était mon premier condamné… Je… Je ne suis que le dernier maillon de la chaîne.
– Gardez vos arguments. On ne sait jamais, un jour peut-être, on jugera les gens comme vous. Du premier au dernier maillon de la chaîne. Un jour, c’est peut-être vous qu’on exécutera. Les temps changent.
Vous croyez en Dieu ? lui demanda le gouverneur.
– Je crois à la cruauté, à la souffrance et à la mort. Ça devrait suffire.
« Pour nourrir ma famille, j’ai abattu des vaches que j’avais fait naître. J’ai abattu mon chien parce qu’il était malade et que je ne pouvais pas le guérir de son mal. Je ne les ai pas abattus de gaieté de cœur, mais parce que je le devais. Tout est permis dès que la cause est juste. Quoi qu’en dise ta femme, ces gens-là ne sont pas comme nous. Il faut les arrêter, les juger et exécuter les sentences. Ed, ici comme ailleurs, des gens comme moi comptent sur des gens comme toi. »
Avec 243 condamnations à mort dont 22 révisions prouvant que des innocents avaient été exécutés à tort et 43 dossiers en cours en réexamen, le juge Terence Ellis avait fait son devoir et n'avait pas de compte à rendre. Le plus gros pourvoyeur du couloir de la mort finissait sa vie en parfaite tranquillité.
Arrogant, borné, haineux, une honte pour la justice de son pays.
La mort, on s'habitue à la voir, mais pour la souffrance, c'est plus long. Je ne sais même pas si c'est possible.
Je me suis demandé si son emprisonnement et sa mort avaient un sens. Je n'en sais toujours rien. Il avait tué à coups de hache sans avoir conscience de ses actes. Il était dangereux. Je n'en ai jamais douté. Alors, l'asile est-il préférable à la mort ? Cela avait-il un sens de le laisser vivre, lui, qui était allé vers la mort en souriant ? D'un autre côté, est-ce juste de tuer quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il fait ?
Ce qui est juste et la justice sont deux choses très différentes.
Les lèvres de McCoy se pincèrent et ses yeux devinrent brillants.
« La seule chose qu’on ne m’avait pas dite, c’est que le gamin avait 16 ans. C’était un criminel, c’est vrai. C’était un Noir… Mais même pour le type que j’étais à l’époque… Putain, Gouverneur ! Ma première exécution… Le gosse avait 16 ans.
– C’était Saul Fuller ?
– Ce gamin, j’ai l’impression qu’il m’a poursuivi toute ma vie. »
Si un jour, des hommes oublient leur devoir, tu devras t'en charger à leur place. N'oublie jamais ça et ne tremble pas au moment de le faire. Pense aux tiens.
Il inspira profondément l'air de la ville qui se mêlait à celui des prairies alentours. Des effluves humains que troublaient ceux des plantes et des animaux. Un parfum de vie pour celui qui n'avait senti que les émanations du couloir de la mort durant dix années.